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  C'est la faute au canari

09/07/2014 


Face à sa fenêtre grande ouverte, le Mont Blanc lui soumettait toute sa splendeur. Ce soir-là, l'inspecteur Ernest Puppa, se sentait mélancolique, sa solitude lui pesait un peu plus qu'à l'habitude. La chaleur de cette soirée d'été emplissait ses poumons et le faisait réfléchir sur ses longues années passées en solitaire avec cette impossibilité de trouver l'âme sœur, l'être capable de combler le vide de sa vie.
Il jeta un coup d’œil au Tétra, ce grand immeuble qui trônait à proximité de son appartement.
Sa galerie marchande venait de recevoir un nouveau commerce, un petit restaurant japonais qui venait récemment de s'y installer.
 Son nom et la grande enseigne qui animait sa devanture restitua un soupçon de sourire à notre célibataire.
« Le Sumo rigolard ! Epela Ernest.
Il était déjà vingt et une heure trente et il n'avait rien dans le ventre. L'idée lui vint donc d'aller éprouver ce lieu au nom cocasse.
Il ne lui fallut que quelques poignées de minutes pour se retrouver assis à une table dans cet endroit joliment décoré. Des odeurs à la saveur inconnue lui enchantaient les papilles et égaya son appétit. Un gros monsieur vêtu d'un kimono aux couleurs chamarrées, exhibant un large sourire, s'activa dans sa direction. Ces Deux yeux bridés à l'excès agrémentaient sa jolie bobine.
« Bonjour honorable client ! Dit-il d'une petite voix fluette qui semblait bien incongrue sortant de ce personnage à la carrure  si imposante.
-Bonjour monsieur ! Répondit Puppa amusé.
-Puis-je vous offrir un verre de saké en apéritif ? »
Notre ami acquiesça de la tête et attrapa d'une main intriguée le menu que lui tendait le gros homme. Il le parcourut avec la plus grande attention, puis, commanda rapidement quelques mets dont les noms résonnaient agréablement à ses oreilles. A sa grande surprise il fut servi aussi prestement que ses ordres avaient été donnés.
Le repas était excellent et sublimait l'intégralité de ses papilles.
Assis dans un coin, le gros nippon le regardait en coin avec attention, semblant attendre de pouvoir réagir au moindre de ses souhaits.
D'où il était placé, Puppa jouissait d'une jolie vue sur la rue des terreaux et pouvait observer aisément le va et vient des quelques personnes qui s'adonnaient à une petite balade nocturne.
Des crissements de pneus attirèrent brusquement son attention. Une magnifique Mercedes arriva à une allure peu prudente avant de s'arrêter en face de lui en utilisant l'une des places réservées aux handicapés. Au volant de celle-ci se tenait Albert Oubéna, un haut fonctionnaire sénégalais travaillant à l'O.N.U., il était bien connu de  notre inspecteur qui avait dans le passé eu à résoudre l'un de ses nombreux problèmes de voisinage. L'attitude hautaine et les manières grossières de cet individu avaient toujours provoqué chez notre intègre quidam un profond sentiment de dégoût.
Son chauffeur se précipita pour ouvrir sa portière et Le haut fonctionnaire descendit de son carrosse suivi de deux splendides créatures qui s'attachèrent à ses bras. L'homme, de grande taille, exhibait un large sourire à la denture parfaite. Sa posture hautaine amplifiait l'aversion que l'on pouvait ressentir pour ce citoyen trop gâté par la vie.
Il pénétra à grand bruit dans le restaurant, affichant, tel un trophée les deux donzelles, toutes deux moulées dans de petites robes qui laissaient sans ambages deviner leurs formes des plus avantageuses.
« Alors face de rat tu nous places ! » Lança t-il au restaurateur dont l'impérissable joie sembla soudainement s'effacer.
Sans son mot de bienvenue habituelle, il installa les trois convives dans un coin reculé de la salle gobant sans mot dire les invectives désobligeantes son client.
La soirée se poursuivit dans une ambiance que l'on pourrait qualifier de nauséabonde. Les frasques des nouveaux venus ne convenaient aucunement aux quelques clients qui restaient en ce lieu et ceux-ci s'empressèrent de déguerpir.
Seul Puppa décida de prolonger son séjour, question de voir jusqu'où la goujaterie de ce malotru pourrait aller. Les  blagues grivoises s'enchaînèrent avec de nombreuses boutades de mauvais goût mettant en scène nos amis du pays du soleil levant.
Ses infamies semblaient plaire à ses deux compagnes, qui hurlaient de rire et gloussaient sur chacune de ses invectives.
Puis, soudain.
« Mais qu'est-ce que c'est cette saloperie !
Albert venait d'expulser d'une façon véhémente, la totalité du contenu de sa bouche.
Le Japonais se précipita pour comprendre quel était le problème.
-C'est dégueulasse ta bouffe, tête de jaune d’œuf ! S’exclama-t-il. Allez les filles ont se tire de ce bouge!
Le patron du petit restaurant s'empressa de lui amener l'addition.
-Quoi ! Tu crois que je vais te payer pour cette pitance immonde ! Il éclata de rire, envoya un grand coup dans l'épaule du pauvre homme, qui déséquilibré, se retrouva brutalement au contact du parquet qui craqua sinistrement dans une protestation manifeste.
Avant même qu'il ait eu le temps de se relever, le malfaisant personnage escorté par ses deux tourterelles avait déjà disparu, seul le vrombissement lointain de sa grosse voiture faisait acte de son passage
Puppa s'excusa auprès du malheureux.
-Je n'ai rien pu faire car ce triste personnage est un diplomate influent dans la sphère internationale. J'ai eu auparavant à faire à lui et mon intervention à son encontre m'avait valu de sévères réprimandes venant de mes supérieurs. Depuis, je me suis juré de garder un profil en sa présence.
Le japonais hocha tristement de la tête.
C'est quelque peu honteux que Puppa prit congé de son hôte.

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D'habitude, quand en France on parle de racisme, on suggère celle des Français blancs à l'égard des personnes d'une couleur différente. Mais dans le cas d'Albert Oubéna, on avait un exemple de ségrégation d'un noir envers ses congénères blancs. Ce Sénégalais détestait copieusement les linges pâles, comme il aimait lui-même nous appeler. Il avait pourtant suivi toute sa scolarité dans notre beau pays et avait terminé l'E.N.A. premier de sa promotion. Tous les gens qui le fréquentaient ou travaillaient avec lui devaient être obligatoirement de sa propre couleur. Mais, je peux vous assurer que les pauvres étaient à plaindre. La suffisance de l'individu et le sentiment de supériorité qu'il aimait à tout moment étaler, rendait l'existence de son entourage particulièrement difficile.
Ce matin, il amena sa mine défraîchie dans son magnifique bureau. Son assistante, une jolie jeune femme d'à peine trente-cinq printemps lui préparait sa revue de presse du jour en découpant dans les journaux locaux les articles qui lui avaient semblé importants.
« Salut ma poule! Lui lança-t-il.
Celle-ci n'osa qu'un.
-Bonjour monsieur l'ambassadeur!
Elle avait de nombreuses fois pâti de ses avances, mais ce job terriblement bien payé et une nombreuse famille à nourrir était l'unique motivation qui la maintenait au service de cet insalubre individu.
Oubéna s’était immédiatement affalé dans son immense fauteuil en cuir.
-Quelle nuit ! Ces deux cocottes étaient vraiment extraordinaires. Viens ici ma poulette apportes-moi le courrier ! »
Janine, c'est ainsi qu'elle s'appelait, approcha timidement, les mains chargées de quelques volumineux dossiers.
« Mais viens plus près, n'aies pas peur!
La pauvresse fit un pas de trop. Les bras d'Albert, pareils à des tentacules, eurent vite fait d’entourer la pauvre femme qui protesta en essayant de ne surtout pas heurter son patron.
-S'il vous plaît Monsieur, je suis une femme mariée ! Risqua-t-elle.
-Ne soit pas si farouche, moi aussi je suis un fidèle époux ! Blagua-t-il. »
La dame fut sauvée par la venue intempestive de Jacques Gaudoit, un collaborateur de notre énergumène.
Albert repoussa vivement sa proie.
« Merci, Janine, vous pouvez disposer ! »
Puis il regarda d'un œil  méchant l'intrus qui avait contrarié son agréable occupation.
« Alors, vous ne pouvez pas frapper avant d'entrer ! Gronda-t-il.
Jacques, confus, bredouilla une excuse.
C'était un jeunot, Sénégalais bien entendu, qui s'occupait des relations publiques de l'ambassadeur. Homme brillant et vertueux, il dénotait face à son infâme employeur. D'ailleurs Albert ne l'aimait guère, il n'appréciait pas que ce subalterne lui fasse de l'ombre. Il n'avait pas digéré l'attention particulière que lui donnaient les grandes huiles de l'O.N.U., le directeur générale lui avait même confié qu'il voyait un avenir brillant pour ce jeune homme.
 Depuis, sa seule idée était de le licencier. On verrait bien s’il était aussi formidable que ça.
-Monsieur, nous avons reçu hier soir, un important et urgent message pour vous de la part de notre président !
Albert Oubena, agrippa le fax, le parcourut rapidement puis il pâlit.
-Pourquoi ne m'avez-vous pas contacté sur-le-champ ? Demanda-t-il au jeune homme.
-Mais monsieur, j'ai essayé toute la soirée, votre portable était débranché et chez vous, votre femme m'a dit que vous assistiez à une importante réunion qui durerait toute la nuit et qu'elle ne vous verrait que demain !
Albert, discerna un ton ironique dans ses explications.
-Non, ce n'est pas une excuse, il fallait insister ! Gronda-t-il. Et puis j'en ai marre de vous, vous êtes incompétent et inefficace. Estimez qu'à partir d'aujourd'hui, vous ne faites plus parti de mon personnel!
-Mais monsieur !
-Foutez le camp ! Hurla-t-il.
Le jeune homme comprenant l'inutilité d'argumenter devant une telle haine, se retira la tête basse.
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La magnifique Mercedes pénétra lentement dans la splendide propriété qui surplombait Divonne. Albert descendit de sa voiture, immédiatement un majordome sortit de sa demeure, courbant l'échine à l'approche de son maître.
« -Tu ne pouvais pas de dépêcher pour m'ouvrir la porte, abruti ! L'ambassadeur envoya un méchant coup de pied dans l'arrière train de son serviteur. »
Se frottant la croupe, le pauvre homme n'articula pas un son. Il travaillait très dur dans cette maison. Issu d'une famille très pauvre il avait été arraché de sa famille très jeune pour une simple bouchée de pain. Depuis il était considéré comme l'esclave de la maison, s'activant du matin au soir à des tâches ingrates et exténuantes. Il ne lui était autorisé aucun loisir et aucune sortie. Seule la cuisinière, une grosse dame à l'air jovial lui apportait un certain réconfort, écrivant et postant son courrier quand il le désirait et lui transmettant régulièrement des nouvelles de sa famille. Son seul loisir était, vous trouverez ça enfantin, de découper des lettres dans de vieux magazines et de les agencer pour obtenir des figures qu'il aimait appeler ses œuvres d'art...
Albert pénétra bruyamment dans son logis. Sa femme lascivement allongée sur un canapé le regarda d'un air suspect.
« Elle s'est bien passée ta réunion d'hier soir ?
-Oui, mais j'ai bien cru qu’elle ne se terminerait jamais.
-Arrête de mentir ! On t'a vu avec tes poules, on m'a tout raconté.
Rouge de colère Geneviève, s'empara d'un vase qui se tenait à la portée de sa main et l'envoya violemment en direction de son mari. L'agressé l'esquiva de justesse et gronda :
-Non mais tu es folle, qui t'a raconté cette ânerie. »
Comme seule réponse, un énergique claquement de porte succéda à la brusque sortie de sa douce moitié.
Cette femme était la seule personne qu'Albert respectait ou du moins craignait. Elle était la petite fille d'un dignitaire très influent du Sénégal et le poste honorifique qu'il occupait ne tenait qu'au bon vouloir de cette parenté.
De plus, il connaissait la perfidie de sa belle-famille. Dans le passé, l'une de ses maîtresses avait été retrouvée morte, un clou planté dans la tête avec accroché à celui-ci  une feuille sur lequel était écrit. "Je t'avais averti!".
La police n'avait fait aucun rapprochement entre ce meurtre et sa mie. Mais lui, connaissait cette manie qu'elle avait de placarder des notes qui faisait acte de ses intentions ou de ses rouspétances. Il la savait également sans pitié. Son garde du corps qui la suivait tel un chien était prêt à accomplir toutes sortes de sales besognes sans sourciller. Il était d'ailleurs certain que ce gorille l'espionnait constamment et relatait à sa femme ses moindres écarts.
C'est donc dans cet état d'insécurité qu'il retrouva seul son lit douillet.
Enfermé à quatre tours dans sa chambre du premier étage. Il passa une mauvaise nuit, emplie de cauchemar où sa femme armée d'un marteau et d'un énorme burin, essayait d'inculquer dans son crâne la façon de lui rester fidèle.
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Le lendemain, devant son bureau, l'air déconfit et dépité, il ressassa ce rêve horrible et se jura de calmer ses fredaines au moins pour quelques temps. Il en oublia même sa secrétaire qui toute heureuse de ce désintéressement avait déposé devant lui, l'ensemble de son courrier sans qu'il ne prête aucune attention à sa présence.
Albert fut intrigué par une lettre qui dénotait parmi les correspondances habituelles. Il l'ouvrit avec précaution, en sortit une petite feuille quadrillée où une succession de caractères imprimés avaient été collés l'un à la suite de l'autre précisant le message suivant.
TU VAS MOURIR
Le regard d'Albert, d'habitude si confiant, exprima une indicible terreur. Sa gorge sèche semblait ne plus pouvoir articuler une seule parole. Une sueur abondante suinta de ses tempes.
Il réussit tout de même à articuler :
-Mais c'est quoi ça, me tuer... Pourquoi !
Il se leva prestement et, la page de menace à la main quitta son bureau en gémissant.
Son assistante, en le voyant passer affolé, les yeux exorbités, ne put s'empêcher un sourire de contentement...

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Soudainement la vie du diplomate venait de tourner au cauchemar.
Des missives de menaces et d'intimidations échelonnèrent le fil de ses jours le jetant dans une indicible anxiété. Il reçut même une lettre sous la forme de bande dessinée. Sur une ligne, quatre petits croquis s'étalaient en montrant tout d'abord une tombe sur laquelle était clairement écrit son nom, puis, sur le second, il était distinctement représenté en sang, un couteau planté dans le ventre, dans le troisième une main portait un poignard d'une façon menaçante et le dernier décrivait ce même couteau reposant sur une étagère qu'il pensa reconnaître comme celle de sa chambre.
Il n'en pouvait plus, il soupçonnait tout le monde d'en vouloir à sa vie. Après mures réflexions il se décida d'impliquer une aide policière. Quelqu'un de sa connaissance. Cet homme terriblement clairvoyant qui résolvait toutes les énigmes avec une facilité déconcertante.
Il empoigna son téléphone :
« Allô, j'aimerai parler à l'inspecteur Ernest Puppa!
Après quelques longues secondes d'attente, la voie de notre sympathique ami vibra dans l'écouteur.
-Ernest Puppa à votre écoute !
-Ici Albert Oubéna, on se connaît ! »
Ernest interloqué par cet appel, s'enquit du but de ce coup de fil inattendu :
« Que puis-je faire pour vous ? »
L'ambassadeur, le pria de rejoindre au plus vite son bureau de l'O.N.U. en lui expliquant brièvement ce qui lui arrivait.
-Mais Monsieur je ne pense pas que ma hiérarchie acceptera de me confier cette enquête.
-Ne vous en faites pas pour ça, je m'occupe de l'autorisation!
Quelques heures plus tard l'ordre fut donné et Puppa se retrouva dans le bureau du diplomate à compulser avec attention les terribles missives.
 Il posa quelques questions sur l'entourage de l'intéressé et Albert en profita pour déballer en moins d'une heure l'intégralité des perversités de son entourage en accusant tous les gens qu'il connaissait d'être le corbeau.
Sa secrétaire, son collaborateur, sa femme, ses serviteurs. Tous y passèrent.

Puppa comme à son habitude ne dit pas un mot, écoutant ses propos avec attention tout en griffonnant sur son calepin quelques détails qui lui semblaient d'importances.

 Le reste de la semaine, Puppa interrogea tous les protagonistes incriminés...

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Une quinzaine de jours venaient de couler sur cette enquête. Le bureau de police semblait très calme, seul le bruit du vrombissement d'une énorme mouche à viande contrecarrait le silence tombal.

 Puppa, paisiblement assis sur le confort de sa chaise en bois vernis, se complaisait dans une journée d’inactivité, quand, son chef, un homme antipathique qu'il supportait par habitude, vint le tirer de sa rêverie.
« Alors cette histoire de l'ambassadeur, elle n'a pas l'air d'avancer! Il me faut des résultats, le préfet suit l'affaire en personne!
-Malheureusement, je n’ai aucun indice tangible. À mon avis le coupable est au courant qu’une enquête est en cours car l’envoi des menaces a maintenant cessé. Je pense que le responsable a déjà quitté le pays et qu’il sera difficile et peut-être même impossible de le retrouver. L’ambassadeur, n’a d’ailleurs pas porté plainte officiellement car il soupçonne principalement sa femme d’être à l’origine de cette mauvaise plaisanterie.
 Son supérieur quitta le bureau quelque peu étonné par les propos de son inspecteur, ceci ne ressemblait pas du tout à la ténacité et perspicacité qui l'animait habituellement.
Puppa afficha un petit sourire du coin de ses lèvres. Bien entendu qu’il le connaissait le coupable. Les évidences qui lui avaient été présentées ne lui avaient permis aucune hésitation concernant l’identité du coupable.
Mais comme il abhorrait copieusement son détestable ‘‘client’’, il avait trouvé la solution idéale pour démêler sans frasques inutiles cette évidente énigme.
 
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« Bonjour honorables clients!
La mine réjouie du restaurateur japonais divulgua ainsi le plaisir qu'il avait de revoir l'un de ses habitués.
-Bonjour Monsieur ! Hum ! Le Sumo Rigolard ! Répondit Puppa qui était présentement accompagné de son collègue de travail l'inspecteur Hector Purbon.
-Venez à cette table chère messieurs, un petit verre de saké avant le repas?
Puppa regarda l'homme droit dans les yeux et réalisa ainsi que le repli de ses paupières ajoutait une note d'intelligence machiavélique à cet affable individu.
-J'irai droit au but ! Reprit notre inspecteur, en sortant une insigne policière de sa poche. »  
Une lueur de panique scintilla au fond du regard bridé.
« Le nom Oubéna, vous dit certainement quelque chose ? »
La gorge serrée, le gros personnage, répondit dans la négation. Mais les gouttes de sueurs qui s'écoulaient maintenant abondamment de ses tempes affirmaient le contraire. Pour Puppa, ce mensonge ne signifiait nullement un problème. Son but étant simplement de donner un méchant avertissement à cet évident coupable. Il reprit en précisant :
« Cette personne est un haut fonctionnaire Africain qui reçoit des menaces de morts continuelles. Je suis chargé de l'enquête et je ne veux pas vous le cacher ! Vous faites partie de la liste de suspects que m'a remise l'ambassadeur !
Je ne crois pas en votre culpabilité, mais, je voudrais que vous me confirmiez de vive voix votre innocence !
-Ce n'est pas moi ! Balbutia-t-il d'une façon peu convaincante.
-Très bien. Votre parole me suffit. A vrai dire, j'aime autant ça, car le fautif risque une très lourde peine et je serai réellement navré de perdre un aussi bon restaurateur que vous ! Bon, et bien, je vous laisse à votre cuisine. »
Puppa et son acolyte saluèrent rapidement l'individu étonné et quittèrent tranquillement les lieux. Pourtant sur le pas de la porte, Puppa s’arrêta subitement et se retourna en pivotant sur le talon de sa chaussure gauche.
«J’oubliai ! » Dit-il d’un ton grave.
Le Japonais pâli.
« Réservez-moi une table pour demain soir ! » Demanda-t-il le sourire aux lèvres, heureux de cette galéjade douteuse.
Puis il continua son chemin suivi de son collègue de travail.
 Hector semblait d'ailleurs totalement circonspect concernant la réaction candide d’Ernest à l’affirmation d’innocence de l’asiatique. Il demanda :
« Ne crois-tu pas qu'il est coupable, tu as vu sa mine, tu as remarqué son hésitation !
-Bien sûre que c'est lui ! Mes propos n'avaient qu'un but, lui faire peur et je peux te l'affirmer. Dès aujourd'hui, Oubéna peut dormir sur ses deux oreilles.
-Et, comment es-tu aussi certain de sa culpabilité ? J'ai étudié ton rapport d'enquête et toutes les pièces qui y étaient attachées et pour moi tout le monde peut être coupable.
-Très simple !
 L'entourage de l'ambassadeur est composé uniquement de personnes de couleur noire et c'est pourquoi un détail dans les pamphlets menaçant m'a immédiatement frappé. C'est la petite bande dessinée. La succession des dessins étaient disposée dans un ordre logique inverse, de droite à gauche, c’est-à-dire que si l’on suit notre ordre habituel de lecture,  le personnage était mort avant d'avoir été tué.
Pour nous Européens ou Africains cet agencement est totalement erroné. Mais par contre, c’est la suite logique pour un Japonais. »
Sortant un petit livret de sa poche il le tendit à son ami.
« Voici un manga qui provient directement du pays du soleil levant, je l'ai trouvé il y a quelque temps de cela aux puces à Genève. Comme tu peux le remarquer les images s'enchaînent de droite à gauche ! Ceci est la preuve évidente que le restaurateur est coupable. Il a voulu justement, se venger de la rudesse et de la malhonnêteté d’Oubéna mais s'est trahi par ses pictogrammes façon nipponne ! » 
Purbon, feuilleta tranquillement le magazine songeant que la police possédait en son rang un individu d'une carrure intellectuelle peu commune
Puppa heureux du dénouement de cette affaire, éclata de rire.
Étonné son confrère le considéra d'un œil dubitatif.
« Eh bien oui Hector ! Tu vois ! Cette fois ci, le corbeau est un canari... »

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