www.viagex.com
  Carlos et le secret du curé Chambole

03/03/2014

Carlos et le mystère du curé Chambole

Connaissez-vous le mystère du curé Béranger Saunière de Rennes le château ?
Eh bien, une histoire similaire s’est déroulée à Gex vers la fin du dix-neuvième siècle !
Peu de gens la connaissent et son mystère vient très récemment d’être élucidé !
Voici comment tout a commencé…
-------------------------------
Ernest Puppa restait pensif, il venait de quitter Carlos et méditait sur ses propos.
Etrange personnage que ce Carlos, tout en interrogation sur le sens de la vie et submergé d’une naïveté déconcertante.

Tout à coup quelqu’un sonna à la porte.
Ernest alla ouvrir, se demandant qui pouvait bien venir le voir à cette heure-ci.
Un rapide regard dans l’œilleton le renseigna sur son interrogation.
Deux tours de clefs et il accueillit son visiteur avec surprise.
« Père Trambère, que me vaut cet honneur !
Puppa n’était pas vraiment un bon croyant, ne fréquentant que rarement l’église malgré sa confession catholique.
Quel devait donc être la raison de la visite de monsieur le Curé.
Ernest ne le connaissait pas bien. Il ne l’avait rencontré que quelques rares fois, le trouvait sympathique et admirait sa foie authentique et sans nuage. Son minois rayonnait de bonheur, de discernement et était le témoignage indiscutable de l'épanouissement qu'il avait trouvé dans son choix sacerdotal.
Pourtant, aujourd’hui, son visage semblait triste, avec un petit soupçon d’angoisse qui plissait en parti son front dégarni.
-Puis-je entrer, j’ai un service à vous demander ! Dit-il gravement.
Ernest l’invita à venir prendre un petit apéritif dans son salon. Père Trambère le suivit de son pas léger et s'assit sur l’un des fauteuils, repliant d’un geste ample les replis de sa robe.
Puppa lui offrit un apéritif. Un verre de Muscat qu'il remplit à ras bord.
-Oh, non, juste un fond ! Dit-il, dans une protestation d'usage.

Assis l’un en face de l’autre, Puppa attendait impatiemment la demande du curé. Mais il gardait le silence semblant ne pas vouloir commencer la conversation, il se bornait à regarder avec attention tous les bibelots qui décoraient l’endroit.
Puppa étonné de ce comportement étrange, décida de l ‘interroger sur la raison de sa visite :
-Alors, monsieur le Curé, que puis-je faire pour vous ?
Le père Trambère leva les yeux vers son interlocuteur et après un instant de réflexion, l’air gêné, amorça sa réponse :
-J’ai été victime d’un vol, la nuit dernière !
Puppa sembla surpris de cette révélation.
-Pourquoi n’allez-vous pas directement à la gendarmerie ? Vous savez, je ne m’occupe pas de ce genre d’affaire.
-Oui, mais ! Reprit le prêtre, en proie à une émotion discernable qui faisait hoqueter sa voix. Ce n’est pas un vol ordinaire. On m’a dérobé quelque chose qui m’est très précieux. Et qui. Jusqu’à ce jour. Je le croyais. N’était connu que par moi-même !
Ernest regarda fixement le curé. L’affaire commençait à l’intéresser. Le curé continua :
-J’ai une petite bibliothèque avec quelques archives de la paroisse, je m’en occupe soigneusement, leur lecture est pour moi une passion. Il y a une dizaine d’années de cela, j’ai mis la main sur des feuillets particulièrement curieux. Ils énuméraient des dépenses et dons somptueux qu’avaient fait l’un de mes prédécesseurs. Le curé Chambole !
Il arrêta ses explications et jeta un regard inquiet sur l’inspecteur. Il voulait simplement vérifier que le nom de son prédécesseur lui était bien inconnu et à la mine déconcertée de Puppa, il comprit immédiatement que cela était le cas.
Il enchaîna :
-J’ai donc pendant plus d’une année fouillé la cure de fond en comble, pour découvrir un nombre conséquent de documents relatant son histoire, d’anciennes coupures de presse, des cahiers de notes, des indices troublants qui étaient parsemés dans les greniers.
-En quelle année était-il curé de la paroisse ?
-De mille huit cent cinquante-deux à mille neuf cent douze ! D’après mes recherches, il était originaire de Bretagne, né en mille huit cent douze et mort en nos murs. C’était un curé d’origine très modeste qui est devenu soudainement très riche sans une véritable explication !
Trambère fit une pause, puis reprit.
-Enfin si ! Il a affirmé avoir reçu un héritage d’un oncle qui vivait en Amérique. Il semble que c’est la raison pour laquelle son histoire n’a pas laissé de trace, les gens ont juste constaté ses dépenses et ses bienfaits, car il n’a pas utilisé son argent essentiellement pour son simple plaisir, mais il a considérablement aidé les pauvres. Pourtant son histoire à l’époque avait intrigué de nombreuses personnes. J’ai retrouvé une quantité d’archives témoignant de cette étrange affaire.
Puppa était resté immobile, les mystères, il adorait. Il voulait tout savoir et urgea le curé de continuer son histoire. Le père Trambère prit une longue inspiration et commença sa narration :
« Nous sommes le douze mai mille huit cent soixante… »

------------------------------------------

« Monsieur le curé. Monsieur le curé !
C’était le petit Jeannot, haut comme trois pommes qui courait à toutes jambes en direction du petit appartement paroissial. Le curé Chambole, un gaillard de plus d’un mètre quatre-vingt-dix apparut sur son palier.
-Qui y’a t’il petit ? Demanda-t-il de sa forte voix.
-C’est le maçon, il m’a dit que vous deviez venir tout de suite ! »
Chambole retroussa les manches de sa grande robe noire, réajusta sa ceinture et sans demander la moindre explication emboîta le pas du petit garçon. Sa démarche attestait d’une parfaite assurance. Il passa une main dans ses cheveux grisonnant se servant de ce moyen pour chasser les quelques gouttes de sueur que la lourde et brusque chaleur de cette journée d’été avait provoquées. Il monta calmement les marches de l’église et pénétra dans son antre inquiet de la raison pour laquelle on l’avait quémandé.
L’endroit était recouvert de poussière, les travaux de construction de la nouvelle église arrivaient à sa fin et seule l’aile nord restait inachevée. La première chose qu’il aperçut, ce fut Edmond le maçon, qui tout en le voyant dirigea son doigt vers un endroit précis du sol. Chambole ne voyait rien d’où il était, mais apercevant le visage intrigué de l’artisan, il hâta son pas dans sa direction. Dans les gravats, encore partiellement enterré dans le sol, on pouvait apercevoir un petit coffre aux ferrures rouillées et cadenassées d’un gros anneau en fer forgé.
« J’ai commencé à le dégager ! Dit Edmond. Mais, je préfère finir ma tâche en votre présence !
Le petit Jeannot, à quatre pattes, époussetait la découverte. De son doigt, il tapota vivement les parties boisées du coffre.
-Il y a quelque chose à l’intérieur ! Affirma-t-il en entendant le bruit sourd que son action lui renvoyait.
-Et bien, allez-y ! Ordonna le curé en regardant Edmond. Enlevez-moi ça de là ! »
Avec beaucoup de précautions, le maçon, aidé de sa pioche, exécuta l’ordre en quelques longues minutes. Il s’empara du coffre et, toujours agenouillé, le présenta, un peu comme une précieuse offrande au curé qui se tenait à ses côtés. Les doigts un peu fébriles, il s ‘empara du présent et le secoua légèrement.
Quelque chose glissa à l’intérieur.
Il prit le fermoir et le tira de toutes ses forces.
Mais, il ne céda pas.
Edmond connaissait la solution, il alla prendre une scie et demanda au curé de le laisser faire.
Armé de son outil, il ne fit que peu d’efforts pour arriver à ses fins. Le cadenas céda et tomba sur le sol.
Le curé posa le coffre sur un tréteau de chantier et devant l’ouvrier et le petit garçon, ouvrit lentement la découverte.
L’intérieur était très poussiéreux, au moins un centimètre d’une fine couche de ce qui ressemblait à de la cendre en tapissait le fond. Se cachant sous celle-ci, on pouvait apercevoir des rouleaux de parchemins en peau de vache brunie et durcie par les nombreuses années de leurs origines.
Le curé en prit un soigneusement et le déroula lentement. Lorgnant par-dessus son épaule, Edmond les yeux écarquillés observait la calligraphie avec étonnement, Jeannot trop petit pour avoir une vue de la découverte, lui tirait le pantalon quémandant ainsi les explications qui y étaient écrites.
Edmond ne répondit rien. Le pauvre ne savait lire.
« C’est quoi ? Demanda-t-il au curé.
Chambole marmonnant à voix basse, relut plusieurs fois le texte qui y était inscrit. Mais il semblait ne rien y comprendre.
-Et bien. Dit-il. Tout cela est bien étrange !
Il ne dévoila rien aux deux acolytes mais l’air pensif, emporta la trouvaille sous son bras.
Jeannot interrogea le maçon :
-T’as vu quoi ?
-Ben ! J’sais pas, il n’y avait pas grand-chose sur ce morceau de papier, des gribouillis, c'est tout ce que j'ai vu!
-C’est tout ?
-Ben oui,
-Y'avait peut-être de l'or, des bijoux dans le coffre!
- Bein non pas d’or, pas de bijoux !
Le gamin sembla déçu de la réponse et haussant les épaules retourna à ses oisives occupations.
Arrivé dans sa cuisine, le curé Chambole prit soigneusement l’un des documents, puis le plaqua sur sa table et le maintint ainsi à l’aide de quatre bouteilles de vin qu’il posa sur ses quatre coins.
Il compulsa mainte fois l’écrit.
Si ce qui y était relaté était réel, il allait bientôt être en possession d’une fortune colossale.
Après quelques longues minutes de rêves éveillés, pensant au bien qu’une telle découverte pourrait amener à sa communauté, il rangea le tout dans un placard et le ferma à double tour. Il était l’heure pour lui d’aller diriger l’office d’un enterrement, celui de monsieur Loubère.

-----------------------------------------

Le curé bénit la tombe du défunt et conclut sa rapide homélie par ces derniers mots :

« Au nom de toute la communauté de Gex, de l’église et de moi-même, nous vous remercions cher monsieur Loubère pour le si généreux don du terrain qui a permis la construction de notre nouvelle église ! »

En effet, monsieur Loubère n’avait pas de famille pour le succéder, même pas un lointain cousin. Il avait donc décidé de son vivant d’attribuer une partie de ses biens à la commune et ceci pour des tâches bien précises. L’une d’entre elle était d’offrir un emplacement privilégié pour bâtir le nouveau lieu de culte.
Il venait de mourir, heureux de voir son souhait exaucé.
Il eut également un second vœu concernant sa petite grange. Elle devait après sa mort revenir au curé
.


Ce don bien
étrange avait un but précis, dune cruciale importance pour la suite de lhistoire

 

Son prêche terminé, Chambole se dirigea vers la petite communauté endeuillée et échangea quelques mots élogieux sur lexemplarité du défunt.

« Vous venez chez nous pour dîner ! Lui intima une grosse dame.

-Non, ce soir, je ne peux pas. » Répondit étrangement Chambole.

Je dis étrangement car cest bien limpression quil donna aux personnes qui avaient assisté à lenterrement et qui le connaissaient particulièrement bien.

Tous avaient remarqué sa façon inhabituelle de mener les funérailles. Il avait raccourci la durée de la messe, esquissé un sermon insignifiant. Puis au cimetière avait rendu les derniers hommages dune façon particulièrement désinvolte, regardant à droite, à gauche, semblant chercher quelque chose du regard.

Avant même d'avoir attendu la dispersion de la foule, il  s'était éclipsé de la vue de tous les ouailles pour retrouver lenceinte du cimetière.
Le petit Jeannot, assis sur l
un des murs lobservait de loin en se demandant ce quil pouvait bien chercher. Car Chambole longeait les tombes et scrutait avec attention chacune des stèles. La plus part du temps, il secouait la tête en signe de négation et continuait sa quête. Dautres fois il sarrêtait, sortait un petit livret recouvert de cuir noir, faisait apparaître un crayon de dessous sa soutane et commençait à y griffonner quelques annotations, puis aidé de son pied, il dessinait une croix sur le terrain caillouteux.
Egalement,
à la vue de sépulcres un peu particulières, il hochait de la tête, se rapprochait pour entrevoir une indication peu visible, dépoussiérait celle-ci, grattait de son ongle celle-là, puis continuait son chemin lair navré.
Toutes ses simagr
ées durèrent si longtemps, que même le petit Jeannot intrigué, finit par se lasser de lobserver et répondit à lappel de lun de ses copains.

Chambole resta pensif.

« Et si la tombe quil recherchait navait pas encore été transférée dans ce nouveau cimetière, mais au contraire était restée à son emplacement  désaffecté? »

Dun pas décidé, il parcourut les cinq cents mètres qui le séparaient de la vieille église, la contourna pour arriver dans l'ancien lieu dinhumation.
A peine, quelques minutes lui furent n
écessaires pour découvrir ce quil recherchait. Le nom graver profondément dans la pierre tombale sembla soudain lui faire un signe :
« Cest ici, je tattendais, écoute linspiration de ton cœur ! »

Chambole resta quelques instants immobiles, le regard perdu dans ses chimères. Puis un large sourire embellit sa figure revêche.

« Tout ceci doit être vrai ! Mais qui était donc cet homme mort à la fin du dix-huitième siècle ? Un noble ? Un grand bourgeois ? Un savant ? »

Ses archives lui donneraient certainement une partie de l'énigme.

Il retrouva rapidement son logis, décidé à découvrir les réponses à ses nombreuses questions.

Cette nuit-là, il la passa à feuilleter de grands livres en essayant de décrypter la signification de chacun des ouvrages découverts, reproduisant avec soin la calligraphie qui y était consignée. Il fallait quil soit certain de sa découverte avant de commettre le sacrilège qu’à coup sûre il regretterait.

Cest à cette époque que les habitants du village de Gex se rendirent compte du profond changement qui affectait leur curé.

Il était devenu pensif, étourdi et chaque nuit, pendant de nombreuses heures, la flamme chancelante  d'une bougie éclairait sa chambre et diffusait une faible clarté que tous pouvait voir osciller au travers de ses persiennes.

« Monsieur le curé ? Lui demanda lune de ses fidèles. Jai remarqué ou du moins tout le monde a remarqué que quelque chose semble vous inquiéter ? Si cela est le cas, peut-être je peux Nous pouvons, vous apporter notre aide.

Le curé agita sa tête dans un signe de négation.

-Non, tout va bien ! » Répondit-il.

Pourtant, dans les jours qui suivirent, son comportement se fit de plus en plus étrange.

----------------------------

« Jeannot ! Réveille-toi, il faut que tu viennes maider ! »

Oui ! Je ne vous lavais pas encore dit, mais ce petit garçon, orphelin de père et mère vivait sous le toit du curé. Notre bon prêtre qui avait le cœur sur la main s’était fait un devoir de soccuper de ce charmant bambin touché dès son plus jeune âge par l'âpreté du destin. Il vivait donc avec lui, soccupant de lassister à la messe, nettoyant la cure, lui préparant parfois même ses repas. Le curé, quant à lui s’évertuait à lui inculquer une éducation dont le bambin aurait volontiers voulut se passer.

Mais que lui voulait-il en pleine nuit ?

Jeannot frotta ses yeux du revers de ses deux mains, ouvrit largement la bouche en dégageant un bâillement semblant pouvoir lui décrocher la mâchoire. Puis, regardant le curé du seul œil quil avait à cet instant réussi à ouvrir il demanda :

« Quoi ! Quest qui se passe ?

-Mets tes habits et suis-moi. Dépêche-toi ! » Conclut-il sur un ton autoritaire qui marquait ainsi sa volonté de ne supporter aucune rouspétance.

Notre pauvre petit Jeannot, à peine réveillé se traîna derrière la marche volontaire du curé. Ils passèrent devant ce quil appelait déjà la vieille église et qui devait être effectivement abandonnée et démolie dans les semaines prochaines.
Puis, ils la contourn
èrent pour rejoindre le vieux cimetière.

La nuit était particulièrement obscure, parfaite pour un dessein qui voulait être gardé secret.
Le cur
é poussa de ses grosses mains la petite grille qui le séparait des tombes. Un grincement sinistre fît tressaillir le bambin qui frémit du haut de sa tête, jusqu’à lextrémité de ses orteils.

Chambole lui tendit une pelle qui reposait au fait du mur et lui-même sempara dune grosse pioche que les croque-morts utilisaient pour creuser les tombes. Puis à tâtons, se servant plus de la connaissance quil avait du lieu que de sa vision, le curé s'engagea lentement dans l'allée gravillonnée, l'enfant le suivait tant bien que mal, sagrippant dune main au revers de sa soutane. Il devait faire très attention de ne pas tomber dans les trous béants des tombes qui venaient d’être récemment déplacées.

Puis soudain il sarrêta net devant lune de celles qui était restée intacte.
L'une de celles qui contenaient des anc
êtres sans descendance et qui attendait la création d'une fosse commune avant d'être déplacée.
Jeannot surpris par cette halte inopin
ée trébucha et en tombant déchira l’étoffe quil avait jusque-là tenue fermement.

« Tu pourrais faire attention ! » Grommela le curé qui laida à se relever. Puis, ne se souciant pas de laccroc fait à sa soutane, il sortit une bougie de lune de ses poches et après plusieurs craquements infructueux d'allumettes, il finit par lenflammer.

Il approcha la faible clarté au plus près de la pierre tombale où une homélie apparaissait toujours clairement et la lut à voix haute :

« Ici repose Albert de Noiseule, né le douze août mille sept cent cinquante-sept et mort dans sa cinquantième année le six juillet mille huit cent sept ! »
Après un soupir de contentement, il ajouta :

« Cest bien lendroit où il faut creuser !

-Creuser ! S’étonna Jeannot qui ne comprenait rien à l'histoire.

-Oui ! Affirma le curé qui commença immédiatement à donner son premier coup de pioche, et toi, Jeannot, pour l'instant tu tiens la bougie bien haute!

Une forme spectrale se mit à danser sur le sol accompagnant de ses fluctuations machiavéliques la besogne du curé.
Apr
ès une bonne demi-heure defforts, la pioche heurta enfin le coffrage en bois du cercueil qui fut, avec l'aide de son outil, complètement dégagé.

D'une main tremblante, Jeannot laissa tomber quelques gouttes de cire sur la stèle et y colla sa chandelle.
Chambole, s
aidant dune barre de fer entreprit de faire sauter lun après lautre les clous qui scellaient la bière. Puis aidé de son jeune assistant, il entreprit de soulever le couvercle qui céda sans la moindre difficulté.

Un squelette apparu coiffé dun haut de forme en soie noire et de guenilles souillés par le temps. Il semblait leur sourire de sa mâchoire décrochée.
Jeannot horrifi
é cacha son visage entre ses deux mains légèrement ouvertes qui ne laissaient que deux minuscules interstices pour pouvoir tout de même attiser sa curiosité.
« N'ai pas peur Jeannot! Tu vois, c'est ce monsieur qui nous a laissé le message trouvé dans l’église. Et, si ses dires sont exacts il doit y avoir dans ses vêtements, un plan qui nous mènera tout droit à son trésor !

-Un trésor ! S’étonna Jeannot, qui soudainement intéressé par cette affirmation avait oublié sa peur et mirait maintenant pleinement la dépouille mortuaire.

-Enfin, cest quelque chose que nous devons à mon avis, garder secret et qui nous permettra daméliorer notre vie et dapporter du bonheur autour de nous.

Tout en parlant Chambole couché sur le sol, les mains tendues vers le mort fouillait lune après lautre ses poches.

 Pourtant, après moult recherches, il dut se ranger à l’évidence quelles ne contenaient pas ce fameux message.
Il se releva d
éçu.
Se serait-il tromper ?

Souriant, Jeannot eut lidée évidente de la cachette.

-Pourquoi ne regardez-vous pas dans la poche intérieure de son veston ?

Le curé se frappa le front.
-Bien s
ûre, pourquoi ny ai-je as pensé !

Puis reprenant sa posture inconfortable, il déboutonna, cette fois avec dégoût, les boutons du veston, l'ouvrit délicatement et glissa sa main dans la doublure intérieure.  Une petite feuille de papier ressortie victorieusement coincée entre ces doigts.

-Je lai ! Fanfaronna til joyeux.

Jeannot eut un petit sourire moqueur et murmura :
-Heureusement que je suis l
à !

Il commença à lire la missive pour s'assurer de son contenu et satisfait, il la replia
pour la  ranger d
élicatement sous sa soutane, puis fit un signe de croix devant le cercueil avant de le refermer. Ses manches retroussées, il s'aida de la pelle et de l'aide de l'enfant pour reboucher le trou béant.

Le travail terminé, trempés de sueur, les deux compères reprirent le chemin de la cure.
En sortant du cimeti
ère, ils n'entrevirent pas cette silhouette qui les observait silencieusement et qui recula dans lombre à leur passage...

En chemin, Jeannot se tourna ver Chamboule et linterrogea :

« Cest vrai quon va avoir un trésor ?

Le curé sarrêta net, plia les jambes pour se retrouver à la hauteur de lenfant, prit ses deux mains entre les siennes et aidé par la faible clarté dun quart de lune, plongea ses deux yeux dans son regard.

-Il faut que tu me le jures. Jamais tu ne dévoileras ce secret à personne ! »

Cest alors que lenfant prit conscience de limportance de la mission qui lui était confiée. Cet homme qui avait été pour lui dune grande bonté, lui demandait maintenant de partager quelque chose dunique.

« Je le jure ! » Dit-il solennellement.

Le curé se releva sans ajouter un seul mot.

Lenfant comprit que pour toujours leurs destins seraient étroitement liés et il senorgueillit de la confiance inconditionnelle que Chambole venait de lui accorder

-------------------------

Puppa, écoutait lhistoire avec intérêt, son esprit inquisiteur s’était incrusté dans cet étrange scénario et se posait déjà des tas de questions.
Une premi
ère lui vint soudainement à lesprit.

« Non répondit le curé. Enfin je ne le sais pas vraiment. Ce monsieur Loubère  connaissait peut-être la présence du trésor. Car le fait davoir légué sa grange à la paroisse est dune grande importance. Mais ! A mon avis, il sagit-il dune coïncidence divine!

Puppa ne répondit rien à cette allégation, qui, pour lui, n'était qu'une réflexion ecclésiastique naïve. Pourtant il évita de suggérer la moindre contradiction sur ce sujet et demanda :

-Est-ce que cet Albert de Noiseule était de la famille de Loubère ?

-Non, daprès ce que jai découvert dans mes recherches, ils navaient aucune parenté. Le seul lien entre eux deux et un acte de vente entre le fils de Monsieur de Noiseule et Loubère.
-Alors ! Continua Puppa, parlez-moi du tr
ésor !

-Et bien justement ! répondit-il, semblant quelque peu ennuyé…

-------------------------

Chambole sortit de l'office du notarial la mine radieuse et réjouie. Sa nouvelle possession venait d'être officialisée. Il descendit la rue de l'horloge où Jeannot l'attendait assis sur un muret.

-Alors mon père vous l'avez?

Chambole ne répondit rien, prenant un air mystérieux et décontenancé.

-Alors, vous l'avez? Répéta l'enfant inquiet.

Chambole éclata de rire et lui montra la grosse clef qui allait leur permettre de visiter son nouveau domaine. Jeannot la lui arracha des mains et parti en courant vers la grange qui se trouvait au bas de la descente. Il réussit à ouvrir avec difficulté la grande double porte en bois de chêne quand le curé arriva.

La bâtisse était faite de pierres assemblées sommairement à la chaux, la toiture recouverte de tuiles rapiécée en de multiples endroits par des morceaux de tôles rouillées. Deux petites lucarnes perchées à trois mètres du sol décoraient la façade. L'arrière de l'édifice était appuyé sur une colline escarpée

 

Ils entrèrent dans l'endroit mystérieux et malodorant. Le curé pris soin de refermer soigneusement la porte derrière eux. Il ne voulait pas que des yeux indiscrets accompagnent leur découverte.

Une faible clarté filtrait des lucarnes recouverte d'une vitre crasseuse et des disjonctions de la toiture. Des trais de lumière rebondissaient sur le nuage de poussière qui venait d'être dérangé par leurs entrées soudaines.

Leurs yeux s'habituèrent à la pénombre et le spectacle qui s'étala devant eux leur sembla surprenant. Un véritable capharnaüm de poutres métalliques et de machines agricoles en pièces détachées envahissaient quatre-vingt-dix pour cent du local, ne laissant aucune place à la moindre avancée. Au fond, on pouvait apercevoir un alignement de buches adossées à une paroi de terre sèche qu'elles recouvraient sur les trois quart de sa hauteur. Chambole pointa dans sa direction en précisant que l'entrée du tunnel, celui de l'ancien château de Gex, devrait se trouver là.

-Un tunnel M'sieur le curé, derrière les buches?

-Oui mon garçon, c'est inscrit sur le papier que nous avons trouvé sur le cadavre! Nous avons un sacré du travail devant nous pour y accéder.

À peine avait-il prononcé ses mots que le Jeannot aidé par sa petite taille rampa sous les décombres métalliques et se retrouva rapidement devant l'amoncellement des rondins de bois.

-Je fais quoi maintenant?

Chambole content de son initiative, lui demanda de voir si les buches bougeaient. Le gamin essaya sur une première, puis une seconde, mais elles semblaient être coincées, écrasées par le poids qui les surplombait. Quand soudain l'une d'entre elle bougea. Jeannot la tira vers lui, puis fit de même sur celle d'à côté. Derrière cet interstice qu'il venait d'ouvrir il ressentit un air froid qui portait une odeur de moisi.

-Y'a un tunnel ici! Dit-il en s'apprêtant à continuer sa besogne.

-Attention malheureux, tout va s'écrouler! Gronda Chambole. Reviens ici tout de suite!

----------

Edmond, était furieux, on lui avait volé sa scie.

« Une scie presque toute neuve ! Dit-il au curé.

-Vous lavez peut-être égarée ! Suggéra-t-il.

-Pour sûre non ! » Elle était sur cette table quand je suis parti hier soir !

Chambole mima une moue d'ignorance et ne prêtant plus la moindre attention à ses rouspétances, il se dirigea dans la nef de l’église en regardant au ciel pour admirer et apprécier le travail admirable qui y avait été accompli. L’édifice était maintenant pratiquement terminé et il se réjouissait car, bientôt, lensemble de ses fidèles pourrait profiter de ce nouveau lieu de culte.

Il sagenouilla au beau milieu de lallée, joint ses deux mains dans un geste de prière, puis murmura :

« Sil vous plaît, mon Dieu, pardonnez-moi pour ce petit chapardage, cest pour une juste cause ! ».

----------

Le but était de se frayer un chemin suffisamment ample pour lui permettre le passage de sa grosse carcasse. Aidé de son fidèle Jeannot, Chambole commença à scier les quelques barres de fer que le gamin avait marquées dun trait rougeâtre.

La voie choisi n'était pas directe mais serpentait d'une façon erratique dans le but d'ouvrir un chemin convenable mais discret jusqu'à lentrée du tunnel.
Le travail fut long et p
énible. Plusieurs fois il déchira sa soutane et il se fit quelques entailles bénignes qu'il adjura par une échappée de jurons bienséants. Puis sous leffet de la fatigue il sarrêta et rebroussa chemin à reculant.
Sans les conseils de Jeannot le p
ériple inverse lui aurait été impossible.

« Baissez le dos ! Attention à votre gauche ! Votre droite ! »

En effet, Jeannot navait pas eu la permission de laider pour les découpes, mais il était resté assis dans un coin de la bâtisse espérant pouvoir être dune quelconque contribution.

Le curé se releva, poussiéreux, fourbu, se tenant le dos de ses deux paumes, pestant sur la chaleur estivale, comparant son labeur à un véritable chemin de croix. C'est alors que Jeannot se sentit d'une grande utilité. Il lui offrit une gourde deau fraîche et l'accompagna de quelques mots de réconfort :

« Vous devriez me laisser vous aider ! Ajouta-t-il timidement.

-Non ! Dit-il. Cest un travail dhomme pas de gamin.

Puis regardant le chemin quil lui restait à accomplir, il ajouta :

-Six ou sept séances et le tour sera joué ! »

Son estimation se révéla exacte.
A raison de deux s
éances par semaine et l'aide de son loyal Jeannot qui rangeait soigneusement les déchets métalliques il réussit à accomplir cette besogne difficile.

Cette période de dur labeur ne passa pas inaperçue à bon nombre des fidèles de la paroisse. Ils remarquèrent l’état de fatigue de leur prêtre. Son entrain habituel n’était plus de mise. Il se levait tard, marchait avec précaution, courbé sous son dos endolori, supportant avec peine ses genoux qui craquaient à chacun de ses pas.

« Je deviens vieux ! » Avait-il argumenté pour calmer les esprits intrigués et chagrins.

Seul, l'homme qui lavait aperçu creusant dans le cimetière sintéressa de très prêt à ces étranges comportements. Il le suivit même clandestinement, en pleine nuit, jusqu’à la grange et, tel un espion, dans l'entrebâillement des portes, il observa ses agissements en relatant avec applications toutes ses observations sur un petit cahier brunâtre...

Le jour tant attendu arriva. Le curé scia le dernier morceau de fer qui lui sembla bien entendu plus récalcitrant que les autres et posa enfin sa main sur les rondins de bois amovibles qui lui barraient le passage. Il les enleva avec précaution tout en prenant soin d'étayer le passage par un sommaire assemblage métallique. Un boyau étroit se trouvait à présent devant lui.

Il y pénétra lentement, avançant à quatre pattes en poussant devant lui la lampe à pétrole. Jeannot le suivait de près, bouillonnant de curiosité. La galerie s'élargit soudainement pour devenir une large galerie permettant la station debout.

Il se releva donc, tâta de ses grosses mains les parois dune terre noirâtre qui étaient  sommairement soutenues par des étais de poutres. Affutant son regard de ses deux yeux clignés, il essaya dapercevoir la continuité de ce qui se trouvait devant lui. Le petit Jeannot, beaucoup plus téméraire passa entre ses jambes pour le dépasser, lui faucha sa lanterne et s’éloigna rapidement dans le boyau.

« Pas si vite jeune homme ! Grommela-t-il. Attends-moi, ça peut être dangereux ! »

Jeannot ne l’écouta pas et continua dun pas rapide senfilant sans la moindre frayeur dans le souterrain qui senfonçait dans les entrailles de Gex.

Chambole limita précautionneusement, suivant la lumière diffuse qui se promenait devant lui, essayant de ne pas heurter de ses épaules les cloisons qui lui semblaient bien fragiles.
Soudain la voix de son petit compagnon arriva
étouffé à ses oreilles :

« Jai trouvé ! ».

En effet, quelques instants plus tard, le cœur battant à tout rompre, il se retrouva dans la petite salle décrite en détail dans la note retrouvée sur la dépouille de monsieur Noiseule.

La richesse quelle lui laissait entrevoir se trouvait bien au rendez-vous.

Intérieurement, Chambole remercia Dieu.
Puis apr
ès quelques instants de ferventes méditations il ajouta :
« Merci Seigneur, je te le jure, tout ceci me permettra de répandre le bien autour de moi ! ».

------------------------------------------

Ernest navait pas bougé dun pouce. Il avait écouté lhistoire dans un silence que je pourrai dune façon ironique, qualifier de religieuse.

Il se pencha vers la bouteille qui se trouvait devant lui et en versa une bonne rasée à son narrateur.

« Alors monsieur le curé, c’était quoi ce trésor ? Des pièces dor, des bijoux, de largenterie, des objets de valeur datant de Léonette de Joinville ?

-Si seulement je le savais ! Répondit-il. Mais rien. Rien du tout, pas la moindre note relatant la nature du trésor. La seule chose que je sais, cest quil nen prit pas la totalité et que certainement, un pactole fabuleux dort encore quelque part sous nos pieds !

-Mais savez-vous au moins comment il a négocié ce trésor ? De largent ! Il a bien dû en avoir en échange de sa trouvaille !

-Eh bien oui ! Voici la suite de lhistoire ! » Reprit père Trambert.

--------------------------------

Le curé Chambole assis à sa table, la tête coincée entre ses deux paumes, semblait plongé dans une profonde réflexion. Jeannot restait en face de lui, le regardant avec ses grands yeux denfant. Il avait lu le parchemin et maintenant comprenait l’étendue de limmense fortune quils avaient découverte. Tout en observant un silence quil pensait de rigueur, il épluchait avec soin les pommes de terre qui étaient devant lui, en sappliquant de façon à éviter le moindre gâchis.

Chambole rompant soudain le silence chuchota :

« Jai une connaissance sur Genève qui, je pense, peut nous aider !

-A quoi ? Demanda Jeannot.

-Et bien à transformer notre trésor en pièces de monnaie ! Il ne sert à rien si on ne peut pas le négocier ! Expliqua-t-il.

-Cest qui cette personne ?

Chambole regarda Jeannot droit dans les yeux et se mit à lui raconter ce voyage qui lemmena de sa Bretagne natale jusque dans le pays de Gex...

Il avait été nommé dans cette lointaine paroisse à sa propre demande. Une raison personnelle qui lui intimait de s’éloigner à tout prix de sa région.

Le voyage en calèche sannonçait particulièrement long et exténuant. Une dizaine de personnes partageaient linconfort de ce transport qui leur permettrait de traverser la France. Assis en face de lui se trouvait un monsieur à lallure impeccable engoncé dans un costume qui semblait peu confortable. Pendant le premier jour de voyage, ils n’échangèrent pas un seul mot, senvoyant simplement des regards furtifs.
Pour Chambole ce n
’était pas vraiment un problème. Le nez plongé dans son bréviaire il se délectait de la parole divine et ceci lui permettait d'oublier le chaos du chemin caillouteux, la poussière envahissante et la chaleur suffocante de cette splendide journée d’été. Ils neurent droit qu’à deux arrêts dans des auberges relais. Le premier pour se restaurer et le second pour engager leur nuitée.
Le deuxi
ème jour lauberge qui était sensée les recevoir pour la collation du midi avait brûlé quelques jours auparavant  et ils s’étaient retrouvés devant lobligation daccomplir le périple jusqu’à leur prochain arrêt le ventre vide. Chambole toujours prévoyant et dont les maigres ressources ne lui permettaient pas vraiment de faire ripaille dans les auberges avait avec lui emmené de quoi boire et se nourrir pendant la totalité du voyage.

Et cest donc à la façon «Boule de suif » quil partagea son repas avec ses compagnons de périple. Ce geste particulièrement généreux lui attira la sympathie de tous et cest ainsi quil fit connaissance avec Monsieur Robert Fleming, un admirable chirurgien qui officiait dans un hôpital très réputé de Genève. Ils se lièrent damitié pendant les longs jours que dura leur pérégrination. Ce médecin revenait dun voyage en Angleterre, qui lui avait permis de retrouver toute sa famille et d’échanger les dernières techniques dopérations particulièrement pointues avec ses confrères anglo-saxons.
A la fin du voyage et au moment de se quitter, il lui donna son adresse puis avec sa forte intonation anglophone l
invita à venir lui faire souvent de petites visites. Il lui assura quil pouvait compter sur son aide si un quelconque problème devait surgir dans son existence et que lui, ou l'un de ses très nombreux amis qui comptaient parmi les personnalités très influentes de Genève, pourraient facilement l'aider. Il ajouta que son entourage était composé de banquiers, hommes politiques, puissants industriels qui étaient presque tous redevables de ses bons offices.

La frimousse de Jeannot s’égailla.

« Eh bien voilà loccasion daller voir votre ami ! »

------------------------------

Chambole semblait flotté dans les rues de la vieille ville de Genève. Sa longue chasuble noire le recouvrant en totalité cachait le rythme de ses pas et donnait cette impression de glissement sur le pavement de la chaussée. La montée de la rue était particulièrement difficile et mettait à rude épreuve le déplacement de sa monumentale carcasse. Monsieur Fleming possédait un appartement sur la place de la cathédrale et c’était ici quil lui avait donné rendez-vous. La raison principale de son invitation faisait suite à la réception de la missive qu'il lui avait envoyée et quil avait trouvée bien étrange et intrigante.

Il trouva le numéro quinze de la place, vérifia que le nom de sa célèbre connaissance y était bien indiqué, puis il monta lentement les trois étages qui le séparaient de la magnifique porte en chêne qui barrait lentrée du logement de son illustre ami. Il saisit lenclume en fer forgé et frappa plusieurs fois sur le battant de bois qui résonna à la cadence de sa main.

Un pas se rapprocha rapidement et la porte souvrit devant un major dhomme averti qui pria le curé dentrer avec un " Monsieur vous attend ! " Des plus emprunté. D'un geste de la main et d'une déférente courbette, il l'invita à le suivre et conclut par un. Je vous laisse patienter, je vais avertir Monsieur de votre arrivée!".

Chambole pénétra dans un magnifique salon aux fenêtres bordées de rideaux aux couleurs pourpres. Un immense chandelier marquait le centre de la pièce. Une bibliothèque riche de centaines de livres reliés de cuire garnissait le pan complet de lun des murs. Le curé profita  de l'attente pour sen approcher et avec le contentement de lhomme cultivé quil était, il susurra quelques-uns des titres scientifiques qui y étaient inscrits.

« Cher curé Chambole ! Sexclama une voix derrière lui. Quel plaisir de vous revoir ! »

Il se retourna pour faire face à Monsieur Fleming.

C’était un grand homme maigre, au visage émacié, au regard vif, à la démarche rigide et franche. Le bras tendu en direction de son invité, il lui serra vigoureusement la main et sembla réellement heureux de le revoir.

Les deux hommes échangèrent quelques banalités dusage, puis monsieur Fleming le fît sasseoir à ses côtés et sans détour engagea la conversation sur le sujet qui amenait son hôte :

« Dans votre lettre vous me parler dune découverte fabuleuse !

-Oui ! Répondit tout simplement le curé. Puis il sortit de lune de ses poches une petite boite quil tendit à Fleming. Puis il continua.

-Ce nest quun échantillon de ma trouvaille et jaimerai que vous-même ou lune de vos relations en fassent une évaluation.

Fleming regarda l'échantillon avec circonspection, faisant naviguer avec précaution la petite boite devant ses yeux.

-Mon cher Chambole, jaimerai être éclairé sur ceci !
-Ce que je vous ai bri
èvement raconté dans ma lettre est entièrement véridique, je peux vous lassurer par ma propre expérience ! »

Puis le curé sengagea dans des explications longues et très détaillées. Mais, ne jugea pas nécessaire de  divulguer des informations concernant lemplacement de sa découverte.

Fleming écouta avec application tous les propos que le curé lui énonçait, fronçant les sourcils quand certain détails lui semblaient dune vérité improbable.
Le temps passa lentement, allong
é, il est vrai par de nombreuses et judicieuses questions que Fleming ne put sempêcher de poser.

Puis, lobjet que Chambole avait apporté fut posé sur la table et les deux hommes le regardèrent fixement en gardant le silence.
Fleming n
avait pas osé contrarier Chambole, mais pour linstant, il doutait un peu de la valeur de cette trouvaille. Une petite visite à l'un de ses amis de confiance pourrait certainement le conforter dans son opinion.

« Je dois vous quitter ! Sexcusa-t-il soudainement. Jai messe ce soir ! Précisa-t-il.

Les deux hommes se serrèrent cordialement la main et Fleming laccompagna jusqu’à sa porte lui promettant de donner suite à sa requête.

Pensif, il ne réintégra pas immédiatement ses appartements mais écouta les pas de son visiteur qui cheminaient dans la descente d'escaliers. Seul le claquement sonore de la porte principale de son immeuble sembla le dégager de sa rêverie.

Rentrant précipitamment dans son salon, Il saisit lobjet de sa préoccupation et ordonna à son majordome daller chercher sa calèche.

-Je dois me rendre durgence à lhôpital ! Précisa-t-il.

---------------------------------

Les semaines qui suivirent cette rencontre dimportance passèrent bercées par le quotidien auquel tout curé doit sattendre. Avec la simple différence que Chambole semblait avoir une étrange activité nocturne. Accompagné de son fidèle Jeannot, ils faisaient de fréquents voyages de la cure jusqu’à sa grange en transportant toujours le même petit sac, vide à laller et plein au retour. Puis pendant les longues heures de la nuit, on pouvait apercevoir la clarté des bougies filtrer à travers ses persiennes.

Tous ses fidèles sinterrogeaient sur son étrange comportement. Ils avaient même interrogé Jeannot espérant lui tirer les vers du nez. Le gamin ne dévoila rien de son secret.

« Non, tout va bien ! Dit-il. On range la grange. On y a trouvé de nombreux livres très intéressants mais en très mauvais état et vous savez Monsieur le curé adore la lecture, alors le soir on soccupe de les réparer et il me lit des tas de choses drôlement instructives !

Cette version officielle avait été inventée dun commun accord et semblait une explication très plausible qui éloignerait à coup sûre la plupart des curieux. Et cest un fait, les gens ne s’étonnèrent plus vraiment de leurs discrètes pérégrinations. Seul peut-être monsieur Dardame, l'homme qui, depuis l’épisode du cimetière, sintéressait de très prêt à ces deux lurons.

Puis un jour, une bonne demi-heure avant le début de la messe une magnifique calèche sarrêta devant l’église de Gex. Quatre personnages richement habillés en sortir. Parmi eux ont pouvait reconnaître monsieur Fleming, puis le conte de Randaber, le banquier Buscher et le bourgmestre Mansfeld. Ces illustres personnages prirent place dans le fond de l’église et suscitèrent l’étonnement de la communauté des fidèles.
Puis la messe commen
ça.

Les commères locales eurent beaucoup de mal à suivre l'office et échangèrent pendant l'intégralité du sermon des chuchotements et regards interrogateurs. Chambole par contre fît mine de ne pas sapercevoir de cette présence exceptionnelle.

Il connaissait parfaitement la raison de leurs venues, mais malgré la curiosité et la fierté quil éprouvait de pouvoir rencontrer ces notables il prit un malin plaisir à rallonger sa messe se délectant du prochain triomphe dont-il allait bientôt jouir.

Comme à son habitude, il serra la main de tous ses paroissiens. Puis, Fleming et ses compères qui discrètement avaient attendu dans la pénombre du bâtiment la fin des salutations savancèrent vers le curé. Celui ci mima la surprise et sexcusa de son inattention. Fleming lui chuchota quelques mots à loreille, le curé fît un discret signe de déférence à lintention des illustres quidams et les invita à le suivre.

« Cest extraordinaire ! »

Ces deux mots émanant de Fleming furent les seuls que lon put entendre lorsquils franchirent le porche de son jardin

------------------------------

 

La tête dErnest Puppa foisonnait de questions.
Cette histoire l
intéressait et lintriguait de plus en plus. Les propos du prêtre naviguaient dans son cerveau, exacerbant son imagination d'images, dépeignant de colossales et inimaginables richesses. Il voyait clairement la physionomie de Chambole, limaginant suivi par Jeannot, transportant des bijoux fabuleux, des vases en or massifs. Et, limage de Léonette de Joinville, princesse de Gex au moyen âge, lui souriait heureuse que son trésor soit enfin débusqué et prochainement mis au service de la communauté.

Puis il se représentait ses quatre sommités genevoises, admirant le pactole, congratulant Chambole et lui faisant loffre dune rente confortable en échange de ces nombreuses reliques médiévales.
Il se repr
ésenta Chambole en train de négocier avec intelligence sa découverte. Ne dévoilant quau goutte à goutte la richesse quil détenait.

« Mais, au fait ! Demanda-t-il? Père Trambert, comment connaissez-vous autant de détails sur tous ces évènements ?

-Et bien »

--------------------------------------

Monsieur Dardame venait de consigner sur son petit carnet les derniers détails de ses observations. Ce soir il irait faire un tour dans la cache de Chambole et verrait bien ce que cache tout ce mystère.

Il était minuit passé quand il pénétra dans la grange. Un simple clou tordu en forme de clef lui avait permis de forcer le cadenas rustique qui en sécurisait lentrée.

Il alluma sa lampe tempête et observa lamas métallique qui lui faisait front et qui aurait rebuté par son enchevêtrement nimporte quel visiteur.
Ayant espionn
é Chambole et son comparse, il se rendit sans hésitation devant le passage quils avaient si difficilement préparé, se mit à quatre pattes. Retira les deux rondins dacier qui avaient été déposés là pour déguiser lentrée et faisant glisser devant lui la lueur tremblotante , il sengagea dans ce corridor hétérogène.

Sans quil sen aperçoive, le petit carnet, gardien de ses observations, avait quelques instants auparavant, glissé  de sa poche, et, s'était retrouvé  parmi les poutrelles de fer, à mi chemin de l'entrée du tunnel.

Dardame se mit à ramper avec difficulté dans le souterrain puis atteignant le boyau plus large, il se redressa pour cheminer avec précaution et s'enfonça dans les entrailles de la galerie malodorante.

Fît-il la découverte ?

Personne ne le sut jamais !

Malheureusement pour ce pauvre homme, nous étions le douze octobre mille huit cent soixante neuf, à une heure douze du matin. Le jour de ce terrible tremblement de terre qui secoua la Haute Savoie si proche et projeta son onde de choc sur le pays de Gex. Le résultat de cette secousse fut, heureusement sans conséquence réelle pour la ville car seules quelques maisons furent légèrement endommagées. Mais, la galerie insuffisamment étayée rendit l’âme en seffondrant sur elle-même.

---------------------------------

 

Chambole, venait dordonner d'importants travaux dans son logement.

Sortant une liasse de billets pour payer les ouvriers il affirma, gardant un ton grave et peiné :

" Jai hérité de mon oncle, un homme brave et fortuné dont je suis la seule descendance!"

Il avait prit personnellement part à l’élaboration de la réfection de sa cave, demandant quelle soit largement agrandit et quelle gagne du volume en senfilant sous son jardin.

Ses fouilles nocturnes étant, après le séisme, devenues impossibles, il avait arrêté ses allées et venues fatigantes et avait expliqué à Jeannot que c’était le ciel qui avait voulu bloquer leur tunnel et que de toutes façons, il ne restait plus vraiment grand chose à ramener.

Il prit un rendez-vous avec le maire de la commune qui très curieux le reçu sur-le-champ :

« Comme vous devez le savoir jai perçu une somme considérable dun membre de ma famille récemment décédé ! Jaimerai faire profiter la communauté de cet apport conséquent dargent qui ne mest daucune utilité ! »

Le maire, un gros homme au teint rougeâtre parfaitement au courant de la bonne fortune de notre prêtre se demandait bien quelle proposition allait lui être faite.

Chambole enchaîna :

« Depuis la construction de notre nouvelle église, lancienne na maintenant plus raison d’être, jai donc pensé que ses fondations pourraient être utilisées à bon escient. Et je suis prêt si vous lacceptez à financer la construction dune école sur son emplacement ! »

Puis sortant un rouleau de papier quil avait jusque là caché dans la manche de sa soutane, il le déplia devant les yeux intéressés de Monsieur le maire.
Il y avait, adroitement dessin
é, un bâtiment de type médiéval flanqué dune tour à ses deux extrémités. Puis Chambole se lança dans de longues explications. Montrant dun doigt énergique lemplacement des classes, puis celui du dortoir. Décrivant en détail la cuisine, la cantine, la chapelle dune nécessité absolue.
Puis il insista sur ce point essentiel.

La gratuité de lenseignement devait y être prodigué et lacceptation à titre prioritaire des enfants les plus démunis.

Le maire fut rapidement emporté dans lenthousiasme et la générosité qui rayonnaient de ces explications détaillées, la consultation et lagrément du projet furent rapidement approuvées

------------------------------

Comme chaque jolie dimanche d'automne, la place de l'horloge s'animait de la présence de nombreux Gessiens. S'était le lieu idéal pour admirer la chaine des Alpes qui se détachait clairement dans l'azur du ciel.

Deux groupes distincts s'étaient formés. Le premier parlait de Chambole et de sa nouvelle fortune. Un doute se détachait de la conversation. Et, si ce n'était pas un héritage qui l'avait rendu si riche, mais plutôt la trouvaille de ce petit coffret que l'indiscrétion d'Edmond avait révélé. Il fut supposé qu'il contenait des bijoux très anciens, des reliques religieuses de la plus haute importance. Le regard de la population envers leur curé avait changé, un doute sur son honnêteté. Sur son enrichissement suspect. Bien sûre, il faisait profiter de sa richesse à sa communauté, mais pourquoi voulait-il gérer un trésor qui ne lui appartenait pas. Une fortune Qui aurait dû revenir intégralement à l'évêché.

Le deuxième groupe parlait de la disparition de Monsieur Dardame. Elle avait été signalée par son frère qui sans nouvelle de lui depuis plus d'une semaine, avait forcé la porte de son appartement pour constater son absence injustifiée. Il n'était pas parti en voyage car toutes ses affaires étaient soigneusement restées à leur place. Il pensait que son frère qui était un célibataire solitaire et endurci avait eu un accident quelque part dans la forêt, s'était peut-être fait mangé par des loups.

 Le fait est, que personne n'eut plus jamais de nouvelle de lui. Enfin oui, un petit homme malicieux et digne de parole connaissait les circonstances de sa disparition, mais il prit bien garde de ne pas les révéler.

---------------

Au début de l'hiver, un événement allait détruire irrémédiablement la vie de Chambole.
Deux hommes en soutane, l
air austère et portant sur leurs bouches respectives, une grimace dinimitié, entrèrent à limproviste dans la cure.

« Curé Chambole, je présume ! Dit lun deux.

-Oui. Répondit-il.

-Nous venons vous voir à la suite de nouvelles Curieuses qui sont arrivées jusqu’à nos oreilles. Nous représentons l’évêché de Bourg-en-Bresse !

Puis lautre quidam enchaîna :

-Nous aimerions savoir quel miracle vous a permis de passer de la pauvreté à une richesse ostentatoire ?

-Un héritage. Murmura til entre ses dents.

-Je vous arrête tout de suite ! Gronda le plus grand de ses interlocuteurs.

Lautre inquisiteur continua :

-Nous avons vérifié cette histoire « dhéritage » et nous avons de sérieux doutes  sur l'existence de votre oncle dAmérique !

-Nous aimerions donc que vous nous donniez quelques explications plus cohérentes ! Vociféra méchamment son acolyte.

-Et bien. Cet oncle existe bel et bien ! » Osa une dernière fois Chambole en rougissant.

-Et ce trésor que vous avez découvert dans le chantier de l'église?

-Un simple coffre avec des parchemins sans importances!

-Nous aimerions bien les voir!

Chambole montra sa découverte qu'il avait entreposée sur sa commode, à l'intérieur  les parchemins étaient totalement décomposés, grignotés par la vermine qui les avaient mis en pièces.

Mais pourquoi notre bon curé ne voulait-il rien avouer sur sa découverte extraordinaire ?
Peut-
être par orgueil, par fierté. Ou, peut-être ne voulait-il pas partager lhistoire de sa chanceuse fortune.
Il n
en était que linventeur, certes, mais son appartenance légale revenait en réalité uniquement à l’état ou peut-être à l'église.

Malgré linterrogatoire qui se prolongea désagréablement pendant une bonne heure, Chambole ne dévoila rien.
Les deux
émissaires de l’évêché repartir très mécontent de ce résultat infructueux et lui promirent quil aurait très rapidement des nouvelles deux.

Cette menace savéra au demeurant tout à fait exacte !
Il fut convoquer
à Bourg et l’évêque en personne lui signifia sa radiation de l’église pour cause de trafic de messes. Il fut même effacé des tablettes, pour que son passage comme curé de Gex ne laisse aucune trace.
Un autre nom y para
ît actuellement à sa place. Un curé exceptionnel dit lhistoire ! Qui a disposé dune très forte influence sur la commune !

------------------------------

Chambole termina sa vie dans un petit appartement quil s’était fait installer dans le sous-sol de son école. Les évènements, cause de sa rupture avec l’église, lavait fait vieillir prématurément. Il restait de long mois enfermé dans son logis avec comme seul visiteur, son fidèle Jeannot.

Jeannot vivait maintenant à Genève où il jouissait dune vie très confortable. Contrairement à son mentor, il profitait de la richesse héritée de la découverte.

Le jour de la mort de Chambole, après son enterrement, Jeannot senferma dans le logis de son regretté bienfaiteur.

Il alluma un feu dans la cheminée, espérant ainsi chasser le froid et lodeur de moisi lancinante qui irritait ses narines.

Puis, assis devant cette immense table en chêne qui partageait en deux la salle de lecture de Chambole, il se mit à feuilleter ses archives. Il sortit de sa poche ce petit livret marqué « Dardame » qu'il avait retrouvé dans la grange, celui ci retraçait en détail une partie des évènements de la quête de Chambole. Puis il fouilla dans la bibliothèque retrouva l'intégral des manuscrits.

A cet instant, il se mit à réfléchir sur la raison effective qui avait poussé Chambole à ne pas dévoiler sa découverte. Malgré les dizaines didées qui passèrent par sa tête, aucune ne lui donna vraiment une indubitable explication.

Il continua sa lecture, compulsant avec une certaine tendresse, les dizaines de feuillets écrits de la main de Chambole qui expliquait en détail sa magnifique découverte. Il sapprêtait à les glisser dans la poche intérieure de son veston quand soudain il se souvint de son serment

Et il comprit !

Il comprit quil devait suivre la promesse faites, celle de ne jamais dévoiler le secret !

La cheminée sanima brusquement dune flamme jaunâtre et chaude, une clarté douceâtre illumina la pièce pendant quelques secondes.

Lexplication détaillée du secret de Chambole venait de senvoler en fumée.

Par contre il garda le petit carnet de Dardame et décida de le rendre à sa famille.

------------------------------

Ernest Puppa avait décidé de prendre en main l’enquête concernant ce vol perpétré à la cure. Son supérieur hiérarchique n’avait pas vraiment compris la raison de sa motivation, mais connaissant l’esprit malicieux de son inspecteur il avait accepté de lui confier cette mission, pensant que quelque chose de plus profond était à coup sûre cachée derrière elle.
Les pistes étaient peu nombreuses et Ernest n’était pas certain de la façon d’aborder le problème, ceci, jusqu’au jour où l’on lui signala la violation d’une sépulture.
Puppa avait logiquement conclu que cet acte infâme était d'une évidente concordance avec son mandat et c’est donc accompagné d'un fossoyeur, qu’il se rendit rapidement à l’endroit où avait été accomplie l’abomination. La tombe était recouverte d’un drap que son accompagnateur retira après un respectueux signe de croix.
La sépulture semblait très ancienne, au fond du trou laissé béant, on pouvait apercevoir les restes d’un cercueil de bois partiellement rongé par la vermine et les restes éparpillés d’un squelette.
« A qui appartient cette tombe ? Demanda Puppa.
-La concession date du début du vingtième siècle, elle a été achetée pour deux cents ans précisa t’il en consultant son livret mortuaire, mais c’est étrange, la personne qui a été enterrée ici n’a pas voulu que l’on y inscrive son nom et quelqu’un a d’ailleurs effacé le patronyme qui devait figurer dans le registre de la mairie !
Puppa contourna l’excavation et jeta un coup d’œil sur la pierre tombale qui avait été renversée lors du méfait. Il espérait y trouver des indications d’importances. Malheureusement les intempéries avaient perpétré leur œuvre destructive et l’on pouvait avec peine distinguer quelques lettres d’un texte indéchiffrable. Puppa les lut en silence :
« A la per…so ..e la pl… Ch… de mon exis…nce. Je n… vou.. oub…. . » La phrase était facile à comprendre mais sans grand intérêt pour son enquête, seul le dernier mot qui semblait être la signature de l’auteur du texte le fit sursauter. « Jea…ot .»
« Monsieur le curé Chambole ! » S’exclama t’il le sourire aux lèvres. Puis, accompagné d’un petit geste de déférence en direction de la tombe, il ajouta devant les yeux ébahis de son guide :
« Enchanté de vous rencontrer enfin ! »
------------------------------------
Ernest assis devant sa télévision se délectait d’un pot d’olives, il avait récemment appris qu’elles étaient bénéfiques pour la santé et sa logique implacable lui avait soufflé qu’il était temps pour lui d’abandonner ses plaques de chocolat pour les remplacer par ce fruit au goût suave.
Il ne regardait pas vraiment les informations télévisées qui égrenaient encore et toujours leurs nouvelles catastrophiques.
Mais Puppa pensait à cette affaire qu’il appelait « Le mystère de Chambole . »
Enfin ce n’était plus vraiment pour lui un mystère car à présent il l’avait complètement résolu. Je ne parle pas de la profanation ou du vol de la cure, mais de celui qui entourait la brusque richesse de ce prêtre.
Quelques détails devaient bien entendu être vérifiés et confirmer ainsi son habile déduction, mais la réponse lui semblait maintenant tellement évidente.
Il s’amusa en pensant au père Trambert qui lui avait révélé la solution de l’énigme sans même le pressentir !
Pour être franc, Puppa n’avait pas tout de suite considéré l’élément important de l’histoire, mais, dans sa naïveté, Carlos lui avait chuchoté la réponse.
Carlos ?
Mais qui est ce Carlos qui n’est apparu qu’un bref instant au début de l’histoire?
Et bien, ce n’est pas un habitant de notre beau Pays de Gex, mais Carlos Castaneda, un anthropologiste écrivain, décédé en mile neuf cent quatre vingt dix huit, qui, dans son œuvre décrivit la « non-réalité » des indiens Yaqui !
Puppa s’était passionné par ses nombreux ouvrages et se furent eux qui lui apportèrent l’indice capital qui lui fit pressentir l’évidente solution. Ce n’est qu’un simple, mais important détail de ses écrits qui l’emmena dans la voie évidente, sur ce chemin où le raisonnement vous porte d’un fragment à un autre jusqu’à l’énoncé de votre déduction.
Mais enfin, sa première mission était avant tout de résoudre la mission qui lui avait été confiée.
Demain, il irait faire un tour jusqu’à l’école primaire de Pertemps. L’annuaire téléphonique lui avait indiqué qu’il pourrait y trouver un indice crucial concernant le voleur profanateur de tombe.
-----------------------------
Ernest avait emprunté le chemin de la Côte aux dindes. La montée était plutôt rude, mais Puppa aimait ce petit chemin qui lui rappelait une partie de son enfance. Il sourit aux même arbustes de buis qu’il avait escaladé au temps de ses culottes courtes, rêvant en leur sommet d’avoir conquis une tour médiévale, combattant par quelques onomatopées et gestes d’archer ses camarades à l’imagination tout aussi prolifiques.
Puis il regarda avec déférence les immenses marronniers d’Inde qui avaient cédé leur nom à ce sentier qu’il gravissait.
Arrivé sur la place Pertemps, un petit attroupement bardé de banderoles criait sa colère envers quelques décisions gouvernementales.
Ernest se dirigea vers Lucien, un cantonnier de la voirie qui s’évertuait à élargir une tranchée avec acharnement.
« Alors Lucien, comment va ?
-Plutôt difficile de creuser par cette chaleur ! Répondit-il le visage en sueur. Il se redressa, s’arque bouta en pressant de ses deux grosses mains son dos endolorit.
-Qu’est ce qui se passe ici ?
Lucien haussa les épaules.
-C’est les profs qui se plaignent encore de leurs sorts, paraît, jamais contents ceux là, moi j’leur prêterai bien ma pioche, verrait c’que c’est d'travailler dur !
Puppa osa un petit sourire en coin, n’osant aucune réplique à cette sagace considération, puis se dirigea vers l’école ignorant la foule contestataire.
-On est en grève, on ne passe pas ! Lui affirma un homme qui semblait être le meneur du groupe.
Puppa sortit un insigne de sa poche et façon de marquer le coup ajouta :
-Police criminel, je dois pénétrer dans l’école ! »
Impressionné par sa déclaration, le bataillon calma son effervescence et recula d’un pas pour le laisser passer.
Ernest se retrouva dans la cour d’école qu’il avait fréquentée étant petit. Le temps avait effacé tous souvenirs de sa présence passée. Il se tourna pour faire face au bâtiment qui, par son architecture, avait voulu garder de nombreux accents médiévaux. Un homme à la démarche assurée se dirigea à sa rencontre.
« Monsieur, puis-je vous aider ?
-Oui, je suis l’inspecteur Ernest Puppa et j’aimerai rencontrer une personne qui pourrait me faire visiter ce lieu. Il y a eu un vol de documents à la cure et la profanation d’une tombe au cimetière et je pense que cet endroit recèle des évidences !
Pendant une fraction de secondes, Puppa remarqua une certaine crispation émanant de son interlocuteur. L’homme baissa les yeux semblant vouloir cacher une réaction coupable. Puis reprenant le dessus il répondit.
-Ca tombe bien je vis ici, je suis le concierge ! Souligna t’il.
-Parfait, allons-y ! Urgea Ernest.
Puppa s’asservit aux pas de son guide. C’était un petit homme d’un mètre soixante et d’une quarantaine d’année, il semblait animé d’une vigueur robuste et d’un dynamisme marqué par sa démarche rapide. En pénétrant dans l’entrée principale, il jeta un dernier coup d’œil vers les vociférations des protestataires qui venaient d’être pris à parti par des parents d’élèves.
Il haussa des épaules, se détourna du spectacle et demanda :
-Il y a un endroit en particulier que vous aimeriez visiter ?
-Oui, le sous-sol !
Puppa remarqua encore une fois un imperceptible sursaut dans la réaction du préposé. Cet infime détail confortait sa certitude qu’il avait tapé à la bonne porte et que l’homme qui se trouvait à ses côtés n’était pas étranger à l’affaire. Puppa avait choisi le sous-sol car il pensait que c’était l’unique endroit où notre mystérieux curé Chambole avait pu laisser dans ses dernières années d’existences, un détail qui corroborerait ses déductions.
Ils empruntèrent l’escalier principal.
« Robert, je m’appelle Robert Dardame ! » Précisa le concierge.
Puppa eut une mimique de contentement.
« Voilà mon coupable, merci France Telecom ! » Pensa t’il dans son évidente déduction.
Robert regarda sa montre et souligna :
« D’habitude ici, à cette heure, il y a un vacarme épouvantable! Puis il précisa. C’est l’heure de la récré !
Au contraire, l’école qui devait fourmiller d’activités était totalement silencieuse et les pas des deux hommes résonnaient de l'écho de ces murs centenaires.
La visite fut rapide, La chaufferie, quelques locaux de rangement, c’était à peu près tout. Pourtant Puppa remarqua une entrée dérobée que Robert avait fait mine d’ignorer.
-Je voudrais rentrer ici ! Demanda Puppa en pointant de son doigt la petite porte en bois remoulu qui arborait une serrure plus que centenaire.
- Y’a rien là dedans, c’est ma cave et j’n’ai pas ma clef avec moi !
-Allez la chercher ! Ordonna Puppa d’un ton qu'il voulu autoritaire et qui marquait l’inacceptation d’un quelconque refus.
Tête baissée, Robert s’excusa pour un instant et s'évapora de la vue de l’inspecteur. Puppa se rapprochant de la petite porte colla son nez sur l’orifice de la serrure. Son visage s’illumina d’un rictus victorieux, il en était certain maintenant, l’odeur qu’il reniflait était la preuve que cette cave n’avait pas été remise à neuf. Cette certitude fut rapidement confirmée lorsque Robert, une énorme clef à la main, ouvrit le battant qui céda avec des grincements aigus. Au milieu de la pièce, une lampe de faible puissance jetait une lueur éparse plus qu’elle n’éclairait. On discernait avec peine un désordre indescriptible. Amoncellement de cartons, de cageots remplis de bouteilles vides, de journaux jaunis par le temps.
Une épaisse poussière virevoltait à chacun de leurs pas, remplissant la pièce d’une effluve acre mêlé à un relent de moisi..
Puppa remarqua immédiatement une pelle et une pioche encore souillée de terre qui reposaient adossées à l’un des murs.
« Vous aimez jardiner ? Demanda malicieusement Puppa.
Robert hoqueta avec peine une réponse.
-Euh, pas vraiment !
Puppa saisit la pioche et demanda :
-Je vais l’emmener avec moi si cela ne vous fait rien !
Robert devînt livide.
-Mais. Ma pioche ; Pourquoi faire ?
-Juste pour voir si la terre qui la recouvre ne vient pas de la tombe de CHAMBOLE ! Il marqua le nom du défunt curé en regardant Robert droit dans les yeux. Le pauvre homme faillit défaillir. Malgré la lumière diffuse, Puppa remarqua son regard apeuré et la patine de son front fut brusquement parsemé de nombreuses gouttes de sueurs.
Puis à la surprise de notre inspecteur, l’homme sentant ses fautes découvertes se mit à tout avouer.
-Non, s’il vous plaît ne m’emprisonnez pas, je rendrais tous les documents que j’ai dérobés ! Puis se précipitant vers une petite étagère que Puppa n’avait pas encore remarquée, Robert empoigna une petite liasse de feuillets et la tendit à Puppa.
-Voilà, c’est tout ce que j’ai pris ! »
Retrouvant la clarté du couloir. Assis sur un banc qui se trouvait à proximité, Ernest consulta avec soin les documents qui étaient maintenant en sa possession. Chacun d’eux lui rappelait un petit bout de l’histoire racontée par le père Trambert.
Robert, debout à ses côtés démontra sans le vouloir l’enthousiasme que lui inspirait cette affaire. Il connaissait tous les feuillets sur le bout des doigts. Celui là était griffonné par Chambole lui-même et décrivait sa rencontre avec Fleming. Cet autre, le désordre qu’il avait trouvé dans cette fameuse grange héritée et puis ce petit carnet trouvé prêt de l’entrée de la cache au trésor :
« Il a appartenu à mon ancêtre ! Dit-il avec fierté. Mon grand-père m’avait dit que son grand oncle avait disparu sans laisser la moindre trace !
Il semblait avoir mémorisé tous les détails importants de cette étrange histoire.
Ceci amusa Puppa. Il se tourna vers lui et demanda :
« Et alors c’est quoi ce trésor ! De l’or, des bijoux ou peut-être des diamants ?
-Et bien non ! » Répondit Robert penaud. Rien, Je n’ai pas trouvé un mot sur la nature de ce qu’il avait découvert et c’est justement ce que j’ai recherché dans sa tombe. J’espérais y trouver l’indice qu’il me manquait ! Il réfléchit quelques instants et continua. Mais en fait, je crois qu’il a vendu tout ce qu’il avait trouvé et que, peut-être, une partie du trésor restant est encore enfoui sous nos pieds dans une galerie effondrée !
Puppa se leva et regarda Robert droit dans les yeux.
« Ca y est ! Se dit Robert. Je suis bon pour la tôle.
Ernest mit sa main libre dans sa poche.
Robert crut un instant qu’il allait en ressortir une paire de menottes.
Et bien non, une simple boite de pastilles de menthe apparut pincée entre ses doigts.
-Vous en voulez une ! »
La gorge de Robert nouée par l’émotion hoqueta un non effarouché.
Puppa tout en portant un bonbon à sa bouche,  lui expliqua ses intentions :
«    J’ai décidé de ne pas révéler vos forfaits. Pourtant ils sont très graves ! Ajouta t’il en pesant ses mots. Mais je comprends la passion qu'a pu susciter en vous un tel mystère. Mon métier d’inspecteur de police me permet de procéder à des investigations pour résoudre ce type d’enquête. Mais je fais ceci. Contrairement à vous. En toute légalité ! Si vous me promettez de vous tenir tranquille et d’arrêter vos agissements douteux, j’oublierai vos fautes.
«    Puis il affirma cette dernière question. On est d’accord ?
-Pas de problème ! Répondit Robert soulagé. De toute façon les restes du trésor sont définitivement perdus !
Puppa ne répondit rien, il aurait pu lui révéler la solution de l’énigme. Mais, il préféra taire ses déductions…
--------------------------------------------------
Le curé Trambert affichait son plus beau sourire.
« Merci inspecteur ! Mais où les avez-vous retrouvés ?
-Si vous êtes d’accord, je préfère ne rien vous dire ! L’homme qui vous a dérobé ces documents et profané une tombe n’est pas vraiment un mauvais bougre mais un passionné par cette histoire de trésor, un peu comme vous !
Trambert marqua son incompréhension par un haussement de sourcils.
Puppa expliqua :
-Oui ! Il est tombé par hasard sur des détails de la vie de Chambole et s’est enflammé pour son mystère !
-Mais comment a t’il su que j’étais en possession de tout un dossier à son sujet ?
-Tien ! C’est vrai ! Je ne lui ai pas demandé ! Il faudra que je lui pose la question ! »
Par le plus étrange des hasards, la réponse lui fut apportée sur l’instant. Quand une dame traversa la pièce où ils se trouvaient et en ressortit en disant :
« M’sieur le curé ! Je reviendrai jeudi !
-Bien madame Dardame, merci ! Répondit le curé, puis, se retournant vers Ernest, il expliqua :
-C’est ma femme de ménage !
Puppa sourit et ajouta :
-Merci madame Dardame ! »
Le curé ne sembla même pas surpris par cette amusante parodie. Il réfléchit quelques instants à la première proposition de Puppa et lui confirma sa satisfaction d’avoir récupérer ses précieux dossiers et ajouta :
« Vous avez raison, je ne veux pas connaître le voleur ! Puis il continua. Mais! A t’il découvert une partie du trésor ?
-Non, rien du tout ! »
-----------------------------------
Mon histoire s’arrête là !
Pour ne pas offenser votre intelligence, je ne me perdrai pas dans les précisions et déductions insipides qui avaient donné l’évidente vérité à notre cher inspecteur Ernest Puppa. Je pense que le nom de Carlos et les autres petits détails de cette histoire vous ont depuis longtemps permis, comme notre inspecteur, de comprendre  avec aisance, la finalité de cette énigme.
En conclusion, Puppa décida de ne rien révéler :
« Un mystère ! Pensait t’il. Devait rester un mystère ! »
La vie n’est-elle pas une succession de rêves, de buts à atteindre. Ne pas divulguer l’un d’entre eux restera profitable aux esprits rêveurs.
Pourtant, avant de clore définitivement cette anale, je dois vous raconter une dernière petite histoire qui s’est déroulée au début du vingtième siècle chez nos voisins anglais.
--------------------------

Nous sommes en l’an mille neuf cent vingt huit :
Alexander en avait assez de son métier, ce n’était pas le fait qu’il ne le trouve pas passionnant, mais plutôt que ses recherches n’avançaient pas. Il aurait voulu devenir célèbre, reconnu par ses pères.
Mais son travail acharné n’aboutissait qu’à des résultats sans conséquence !
Il songeait souvent à son grand-oncle qui avait atteint une glorieuse notoriété dans son pays d’adoption, la Suisse.
Celui ci avait dirigé un hôpital à Genève et y avait fait de véritables miracles, guérissant des maladies graves avec la plus grande facilité.
Puis, un jour de l’année mille huit cent soixante dix huit, il avait tout arrêté pour rentrer prendre sa retraite au pays. Avec lui, il emporta le secret de ses thérapies miraculeuses.
Alexander n’avait gardé qu’un seul objet marquant son souvenir, cette petite boîte sans valeur qui ne le quittait jamais, mais représentait pour lui un témoignage de reconnaissance pour cet ancêtre qui lui avait insufflé cette passion pour son métier, la bactériologie.
Assis à la table de son laboratoire, il tenait entre ses mains ce cadeau du passé. Ses doigts effleurant avec tendresse le bois vernis du petit coffret.
« Si tu pouvais me procurer un peu de son génie ! » Lui susurra t-il.
Son pouce décolla le fermoir, puis il fit pivoter le battant. Dernier témoignage de ce passé glorieux, une odeur de moisie attaqua ses narines.
« Professeur, on vous attend ! »
Une laborantine venait de lui rappeler l’heure de cette réunion hebdomadaire qui ne le passionnait pas vraiment.
L’effet de surprise causé par cette invitation le fit sursauter, la petite boîte glissa de ses mains pour se renverser devant lui. Un filet d’une fine poudre qu’elle contenait finirent sa course dans l’une de ses préparations.
Il referma nerveusement la boîte, la remis à sa place et prit le chemin de son rendez-vous.
Il s’appelait Alexander Fleming…
Note de l’auteur :
Carlos Castaneda a effleuré la connaissance des indiens Yaqui à l’aide de leurs champignons hallucinogènes.
Alexander Fleming a découvert par hasard la pénicilline qui fut isolée et mise sous forme de médicament dix ans plus tard.




Ecrivez moi ! viagex@wanadoo.fr