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  Les infidèles

 

Il tapissait ce romantique petit loft, ce joli endroit qui cachait leur amour. Elle lui avait confié ne pas apprécier la teinte de ce mur. Qu'une couleur bleue ciel correspondrait mieux à l'harmonie de leur couple. Il avait donc profité de son absence pour accéder à sa requête en lui préparant cette surprise d'une délicatesse obligeante.

Elle avait dû le quitter quelques jours, voyage d'affaire imposé, distance qu'ils raccourcissaient par de nombreux appels téléphoniques comblés de tendresses, d'affirmations, de toujours.

Ils s'aimaient vraiment à la folie, vivaient l'un pour l'autre dans une harmonie fusionnelle, presque sacrée. Chaque instant passé ensemble représentait un moment de bonheur qu'ils voulaient savourer jusqu'à la lie, associer au divin. Ils sortaient peu, fréquentaient essentiellement un couple d'amis, Guillaume et Claudia, avec qui ils aimaient passer du temps, partir en vacances.

Ce mercredi était le jour tant attendu de son retour.
Trop anxieux à l'idée de leurs retrouvailles, il se rendit à l'aéroport avec une bonne heure d'avance. Cette présence hâtive lui permettait de combler l'impatience du désir qu'il avait de la revoir. En s'approchant du hall d'arrivée. Il la vit assise seule à la terrasse d'un café. Elle devait avoir pris un autre vol et patientait tranquillement son attente.
  Il allait se précipiter vers elle, la prendre dans ses bras, l'embrasser, plonger ses yeux dans son regard. Pourtant, il n'en fit rien et cacha sa présence. Il voulait l'observer quelques instants, s'enivrer de son image et se délecter de sa sensualité.

Un homme s'approcha d'elle. Il tenait deux cafés à la main.
Il s'assit à ses côtés, un peu trop prêt peut être, puis il lui prit la main, la caressa affectueusement et ses lèvres gourmandes acceptèrent son baiser de tendresse.
C'était Guillaume, il le reconnut brutalement et faillit hurler son nom, manifester ainsi la rage qui venait de l'envahir. Mais ses jambes ne le portaient plus, sa vitalité s'était envolée, le laissant dans une apathie dévastatrice. Il s'assit sur un petit muret, le regard vide, la gorge sèche, dévastée par cette brutale divulgation.

Il s'attarda ainsi, immobile, le souffle court, l'esprit vide et perdu. Essayant de retrouver une certaine composition et annihiler l'angoisse qui le ravageait.
De longues minutes plus tard, à l'instant même où il tentait de se relever, une voix sensuelle murmura derrière lui une parole d'affection. Une main câline se posa sur son épaule. Un parfum familier effleura ses narines. Il se  redressa et lentement orienta sa personne vers l’image associée à cette délicate senteur. Claudia se trouvait devant lui, le regardait de ses yeux comblés d'inclination et de désir.
"Mon chéri, que fais-tu là? Dit-elle. Quelle magnifique surprise, qui devance de deux jours le rendez-vous de nos galipettes amoureuses."
 Il voulut lui montrer d'un mouvement de tête la raison de sa présence quand un élan impétueux et incontrôlable les catapulta l'un vers l'autre pour enlacer ardemment leurs désirs.
Oubliant la foule des voyageurs qui les toisait de regards furtifs, ils échangèrent longuement la fougue de cette fortuite rencontre...


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La surprise l'avait abreuvée d'une  parfaite félicité. Elle s'était appuyée contre la paroi lui faisant remarquer qu'elle concordait à présent parfaitement avec la couleur de ses yeux. Il lui avait jeté un regard qu'elle remarqua légèrement différent à son habitude, un clignement imperceptible de ses paupières qui semblait vouloir lui cacher un sentiment, peut être un doute. Elle l'entoura de ses bras le remerciant de sa gentillesse, de son attention, affirmant une fois de plus son indéfectible amour.
Le canapé fut le réceptacle de leurs ébats. Il lui avait manqué terriblement, leur séparation lui avait semblé cruelle, inhumaine. Son voyage s'était bien passé, garni de nombreuses heures de réunions et de rencontres professionnelles rébarbatives mais nécessaires. Elle y était allée seule, dépêchée par le bureau de New York.
Lui, avait passé son temps entre le bureau et ses activités de tapissier amateur et appliqué.
Ils avaient ressenti cet éloignement comme une terrible douleur, une pénible déchirure.
Submergés soudain par une vague de sanglots, ils s'assurèrent de leur amour absolu avant de s'endormir enlacés dans une parfaite harmonie.

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Un taxi avait déposé Claudia dans la rue parallèle à celle de l'hôtel. Munie d'une extrême prudence, elle s'y était rendue, jetant de nombreux regards autour d'elle pour s'assurer qu'elle n'était pas suivie. À chacun de leurs rendez-vous, par prudence, ils changeaient d'endroit. Guillaume est un homme violent, jaloux, elle avait peur de lui, de ses sauts d'humeur. S'il découvrait un jour son infidélité sa réaction pouvait être terrible, peut-être même meurtrière. Il était viscéralement attaché à elle, au fait qu'elle l'avait sorti de son addiction à l'alcool, qu'elle représentait une certaine stabilité, un véritable confort. Elle ne l'aimait plus, ne le supportait que par obligation, pour la vie facile qu'il lui proposait et pour cette grande maison qu'ils habitaient et qui était la parfaite représentation de son émergence dans la vie bourgeoise.
Depuis qu'elle avait rencontré son amant, la vie avec Guillaume lui semblait plus supportable. Cette liaison représentait le piment de sa vie, une passion qui était devenue au fil de leurs rencontres, véritablement amoureuse. Un souffle de vie qui  motivait ses joies, calmait ses peines, la projetait dans des rêves mille fois retranscrits, des relations charnelles empreintes de douceur, de caresses, d'extases répétés.
Elle arriva dans cette petite chambre la première. Une demi-heure avant lui, s'était leur habitude, le code immuable qui devait les conduire à leur passion. Elle se préparait, le cœur serein, prenant le soin de se maquiller de la façon délicate qu'il aimait, sortait de son sac ses affriolants atours et il était là, à l'admirer, la choyer de son regard si tendre, suave affection si différente de celle que son mari daignait lui accorder.
Deux heure trente plus tard, ils se séparèrent, heureux. Lui en premier, elle une dizaine de minutes plus tard. Ils se téléphoneraient, demain.

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Guillaume l'avait appelé, il l'attendait, elle devait venir immédiatement, tout lâcher pour lui. Alors elle s'arrangeait pour lui obéir, fuyant ce repas avec ses collègues de travail, pour arriver dans ce lieu magique qui abritait inexorablement leurs amours. Elle ne l'aimait pas vraiment, le trouvait grossier, vulgaire, mais elle appréciait leurs abats amoureux, violents, fougueux, dénués de sentiment. Le court séjour qu'ils avaient passé ensemble ne lui avait laissé aucun bon souvenir. Il était resté physique, explosif mais sans le moindre intérêt passionnel. Elle ne renouvellerait plus cette expérience, et se cantonnerait à ces passades rapides et physiquement assoupissantes.
Elle aimait son compagnon, sa douceur de vivre, sa tendresse. Chaque intention pour elle était sincère, abreuvée à la source de son amour. Jamais elle ne lui avouerait son infidélité.
Elle voulait rester pour lui la compagne idéale, devait absolument ne pas le décevoir et garder cette osmose, cette harmonie qu'ils avaient construite ensemble.
La chambre était spacieuse, luxueuse, un jacuzzi bouillonnait sa tiédeur.
Guillaume s'impatientait.
 Il lui dit de se hâter, qu'il n'avait pas beaucoup de temps.
Aussitôt, elle se plia à ses désirs, acceptant une sorte de soumission pourtant très éloignée de sa véritable personnalité, mais qui lui donnait un plaisir interdit, une lascivité délectable. Son abandon fut total, extrême, d'une fulgurance impétueuse.
Puis Guillaume s'en alla vite, beaucoup trop vite en ne lui adjugeant qu'un maigre sourire en signe d'au revoir. 

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Ils étaient en Ardèche, pour une semaine de vacances. Guillaume et Claudia devaient bientôt les rejoindre. Ils avaient loué cette petite maison un peu à l'écart de Vallon pont d'Arc.
Il connaissait bien la région pour y avoir séjourné pendant la période de son enfance. Son grand père, maintenant disparu, possédait une petite maison de pierres, perdue au milieu de la forêt. Chaque année il se devait de la revoir, pèlerinage obligé, pour retrouver les effluves du temps passé et les bonheurs simples de sa jeunesse.
Elle appréciait cette région, surtout pendant ce mois de septembre. Les ballades, les bains dans la rivière devenaient solitaires, la nature sauvage et déserte avait pris le pas sur une faune touristique encombrante.
Il avait plu la nuit dernière amenant ainsi la cohorte d'une verdoyante exubérance qui avait particulièrement souffert d'un été trop étouffant et sec.
Ils étaient partis à la recherche de champignons en avaient trouvés par centaines. Chanterelles, bolets, trompettes de mort et coprins Garnissaient leurs paniers. Ils en mangeraient certain, feraient sécher les autres.
Ils s'étaient arrêtés au baraquement de ce loueur de canots, avaient réservé deux embarcations pour le lendemain, s'étaient inquiétés des conditions de navigation.
"Pas de problème! Avait-il affirmé, aucun danger d'une crue subite, le temps est annoncé au beau fixe!"
Demain, avec leurs amis, ils partiraient vers dix heures pour une descente des gorges.

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Claudia et Guillaume étaient arrivés vers vingt heures, la nuit était déjà tombée. Un repas campagnard les attendait, un rôti de porc accompagné des champignons fraîchement récoltés. La soirée résonna de la joie partagée d'être ensemble.
Profitant des courts instants qui leurs permettaient de rester seuls, les amants respectifs en profitaient pour se lancer des regards complices et s'échanger des câlineries sensuelles.
Ils étaient assis dans ce grand salon confortable. Des jus de fruits décoraient la table basse de leurs couleurs sympathiques, pas d'alcool, ils connaissaient l'existence du problème que Guillaume avait réussi à surmonter et étant tous peu portés sur la boisson ils préféraient lui éviter toutes tentations.
Guillaume avait sa tablette informatique avec lui, il voulait montrer les photos de leur dernier voyage à Bali. C'est Claudia qui commenta, expliqua ce périple merveilleux qui leur avait fait découvrir un mode de vie totalement inconnu. Elle argumentait de mille détails les images qui défilaient, s'attardant sur une anecdote, expliquant la signification des offrandes, des divinités, relatant avec passion les  détails qui lui avaient paru d'un intérêt particulier.
Tous l'écoutaient en silence, même Guillaume semblait captivé par son érudition. Il lui caressa le dos, montra son affection.
 Elle, avait ses yeux fixés sur Claudia, la trouvait belle.
Il, l'écoutait avec attention. Se demandant si ses problèmes de couple avec Guillaume étaient réels. Elle lui avait à maintes reprises affirmé ne plus l'aimer, éprouver un dégout pour cet homme qui en ce moment la cajolait.

Les deux coups sonnés par la vieille horloge leurs intimèrent la nécessité d'un repos obligé.
Demain, la journée serait rude et fatigante.

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Les deux canoës flottaient déjà sur les berges de l'Ardèche. On leur avait rapidement expliqué les bases de la navigation. Un gilet de sauvetage compléta leurs tenues légères et un large bocal étanche reçut la totalité de leurs bagages. Ils avaient décidé de séparer leurs couples respectifs. Il partagerait l'embarcation de Claudia, et elle, celle de Guillaume.

Le panorama était grandiose, dominé par d'immenses falaises aux couleurs ocres qui écrasaient de leurs majestés la forêt séculaire. La rivière aux basses eaux s'écoulait tranquillement, baignée d'un soleil chaleureux. La navigation se faisait sans la moindre difficulté. Il avait beaucoup plus d'expérience que les autres, manœuvrait l'embarcation avec plus de souplesse et même l'aide de Claudia ne lui était pas vraiment nécessaire. Guillaume par contre s'agaçait d'une conduite mal ajustée, pestait sur ses rames qui lui semblaient dissymétriques, elle restait silencieuse derrière lui, ajustant avec discrétion les trajectoires fantaisistes, lui affirmant qu'avant midi il deviendrait un expert.

Ils passèrent sous l'arche monumentale, vestige géologique provoqué par la cassure d’un méandre. C'est alors qu'il décida de prendre un peu d'avance. "On se retrouve un peu plus bas à l'entrée du premier rapide!" Dit-il.
Placée derrière lui, Claudia regardait ses épaules pagayer dans une cadence sereine. Elle se laissait aller, ne l'aidant que sporadiquement d'un effort minimale. Elle profitait pleinement du paysage, mirant les oiseaux de passage, regardant le bleu du ciel où s’égaraient essentiellement de minuscules nuages, respirant à plein poumons cette nature farouche.
 "Je ne veux plus vivre avec Guillaume! Dit-elle d'une voix hésitante. Partons, fuyons ensemble, ce soir, demain. Je t'aime, ton absence me pèse, ta présence m'enchante. Je ne suis plus en mesure d'accepter notre liaison coupable. Je veux vivre avec toi.."
Il resta silencieux, acceptant ses affirmations, ne sachant que lui répondre. Il ne ressentait d'amour que pour sa femme. Pour lui, Claudia était plutôt une amie, une douceur, une friandise que l'existence lui permettait de gouter. Il se tourna vers elle, dénué du courage de franchise, lui sourit et Lâchement souscrit à sa demande.
Demain, ils leurs expliqueraient leur relation.
Tout ira bien.

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Guillaume commençait à s'adapter à ce nouveau moyen de locomotion. Son rythme était moins saccadée, plus docile, il se sentait heureux de ses rapides progrès et de la bonne maitrise de son embarcation. Elle le laissait faire, ne s'intéressait pas vraiment au paysage qui l'entourait. Elle se sentait angoissée, inquiète, car, la nuit dernière elle avait pris la décision de rompre définitivement avec cet amant trop possessif. Elle avait peur de sa réaction, de la violence des propos qu'il tiendrait, des représailles qu'il ne manquerait pas de lui infliger.
"Tu es bien silencieuse!" Dit-il soudain.
Elle sursauta, assimilant cette remarque aux tourments qui la submergeaient.
L'onde se faisant plus rapide, il laissa glisser son esquif et se retourna  vers elle.
"Alors, ma belle, que pouvons-nous imaginer pour nous retrouver enfin seuls. Une petite journée de débauche me conviendrait tout à fait bien!
Elle sourit, ne sachant que répondre, ne ressentant plus de désir pour cet être encombrant.
J'y suis! Dit-il avec contentement, proposons d'aller visiter une grotte, Claudia à horreur de ça et si ma mémoire est bonne il en est de même pour ton homme!"
Elle bredouilla un acquiescement peu convainquant sous forme de réponse et Guillaume perdu dans son égocentrisme démesuré le compris comme une affirmation passionnée.
L'affaire était entendue.
Cette suggestion astucieuse serait proposée dès ce soir.

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  La journée avait été exténuante. Brulés par le soleil, perclus de courbatures nos quatre amis se retrouvaient avachis dans le canapé, laissant le silence et quelques œillades, comblés cette ambiance apaisée.
Elle proposa de préparer un dîner très simple. Des spaghettis feraient l'affaire, elle pourrait peut-être les accompagner des coprins récemment récoltés. Ils étaient magnifiques, mais elle ajouta cet inquiétant détail, ils deviennent terriblement toxiques mélangés avec de l'alcool. La cause était entendue, personne ne buvait de toute façon. D'un rapide coup d'œil sur son ordinateur Guillaume précisa qu'ils pouvaient causer un arrêt cardiaque même si la boisson alcoolisée était absorbée plusieurs jours après leurs consommations.
Le repas fut préparé de concert, chacun apportant son utile contribution.
Tout fut avalé avec délice et appétit. Guillaume aborda ce désir qu'il avait de visiter les grottes de la Madeleine et l'aven d'Orgnac et franchement si personne ne voulait l'accompagner, il y irait seul.
Claudia passa sur le sujet répondant qu'elle préférait se reposer. Il fit de même pour une raison similaire, mais suggéra à sa douce aimée qu'elle devrait partir avec Guillaume, qu'elle appréciait ce genre de choses.
L'approbation fut donc rapide et générale.

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Claudia avait préparé sa valise. Elle éprouvait une certaine nervosité mélangée à un zeste d'euphorie. Son souhait se réalisait avec une diligence surprenante.
Il frappa à sa porte entrouverte, puis pénétra avec délicatesse dans la chambre. Elle se jeta dans ses bras, riant, pleurant sa joie, l'abreuvant de mots tendres, engageant ses projets dans les dédales profonds de sa passion. Elle l'aimerait toute sa vie, ils auraient des enfants, vivraient heureux pour l'éternité.
Il la tenait dans ses bras, sans mot dire, se prêtant à sa démonstration amoureuse l'accueillant tel un fait accompli, un destin préparé. Il lui caressa les cheveux, chuchota de douces paroles à son oreille.
Elle devait laisser un mot à Guillaume.
Essuyant les larmes qui gisaient sur ses pommettes, elle se sépara de lui avec difficultés, ouvrit l'ordinateur pour lui écrire son texte de rupture.
Les mots furent simples, concis, elle le quittait pour cet homme qu'elle aimait. Il n'aurait aucun mal à continuer sa vie sans elle, avec une autre plus belle, plus intelligente, plus pertinente. Elle ne se sentait pas le courage de l'affronter pour cette ultime rupture. Le temps leur permettrait peut-être de se revoir...

La voiture s'éloignait de leur lieu de villégiature.
"Comment lui as-tu annoncé ton départ? Demanda Claudia."
La réponse était simple, logique, une dispute où il lui avait révélé avoir découvert son infidélité en arrivant trop tôt à l'aéroport. Elle n'avait pas vraiment mal réagi, comprenait sa réaction et l'aboutissant qui devait inexorablement arrivé.

Il s'engagea dans un petit chemin caillouteux et s'arrêta. Il voulait lui montrer la maison de son grand père, ils avaient du temps, s'était important pour lui, un souvenir qu'il devait absolument partager avec la femme qui à présent comblait sa vie.
Une petite promenade les rapprocha de la falaise où un aplomb vertigineux capitulait dans l'Ardèche.
Ils côtoyèrent l'à-pic pendant une dizaine de minutes, puis, s'arrêtèrent pour admirer la splendeur géologique.
Au loin, points minuscules sur les méandres du fleuve voguaient trois kayaks, un aigle en quête de nourritures piaillait son pistage, le soleil était chaud, une brise paisible propageait des automnales fragrances.
Ils se blottirent l'un contre l'autre, silencieux, perchés sur un promontoire mirant les abîmes.
Tendrement il tourna Claudia vers lui, lui offrit un dernier baisé sur le front et sans le moindre avertissement la poussa violemment dans le précipice. La surprise abominable ne lui permit même pas d'hurler sa frayeur. Pendant une infime seconde, ses yeux horrifiés croisèrent pour une dernière fois les siens et dans leurs incompréhensions semblèrent lui demander "Pourquoi?".
Sans le moindre soupçon de repentance, il s'écarta de son crime et tranquillement pilota son automobile jusqu'à la coopérative vinicole du prochain village.
Une heure plus tard il retrouvait sa maisonnée. S'affaira à ranger toutes les affaires de Claudia à leurs places et s'assit devant le petit ordinateur...

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 Ils rentraient de leur escapade, un bref arrêt aux grottes leur avait permis de récupérer des prospectus, alibis évident à toutes explications. Guillaume était heureux, ses assouvissements maintes fois répétés l'avaient vidé de toute agressivité, nettoyé du stress qui habituellement consumait ses entrailles.
Elle, se contentait d'un mutisme incolore. Bien sûre, elle avait apprécié physiquement ses ébats crus et réitérés. Mais l'âme, la divination de l'esprit manquait au rendez-vous. Sa pensée restait irrémédiablement attachée, enracinée vers le seul homme qui comblait son existence, lui permettait d'apprécier sa vie.
Les pneus de leur voiture crissèrent leur arrivée.
Il les attendait calmement assis, plongé dans la lecture d'un magazine.
Nous sommes là mon chéri, tu m'as manqué. Elle était déjà dans ses bras le câlinant de ses attentions, lui mentant sur sa visite.
Guillaume appela :
-Claudia, nous sommes là!
C'est alors qu'il apprit qu'elle n'était pas encore revenue de sa promenade. Elle semblait triste, inquiète et lui avait affirmé de vouloir rester seule.
 Elle devrait certainement bientôt arriver.

Guillaume circonspect monta dans sa chambre pour se changer.
Une demi-heure plus tard, il redescendait en larmes bredouillant des propos incohérents :
-Claudia a fait une bêtise, j'en suis certain!
Mais, la gorge nouée, l'empêchait de formuler les explications indispensables, alors il leur tendit son ordinateur.
En plein milieu de l'écran ils purent lire ébahis un terrible énoncé :

"Mon amour
Depuis longtemps déjà je trouve la vie dénuée de tout charme et tout intérêt.
Elle m'indiffère, m'ennuie dans une souffrance qui m'angoisse et me consume chaque jour de plus en plus. Je me sens inutile, d'une errance infinie. Comment peux-tu m'aimer, m'apprécier alors que tout nous sépare, ma médiocrité par rapport à ton excellence, mon ignorance comparée à ton érudition. J'ai découvert que tu en aimes une autre, une amante qui te comble et te rend heureux.
J'ai décidé de t'affranchir de mon fardeau.
Au moment où tu liras cette missive, mon existence ne sera plus qu'une minuscule  réminiscence qui s'effacera rapidement de ton souvenir..."

Il fallait appeler la gendarmerie.
Oui, une femme a été retrouvée sur les bords de la rivière.
Son corps se trouve à Vallon pont d'Arc.

Ils partirent sur le champ.
Elle, préférait restée là, trop sensible, elle ne supporterait pas la vue d'un cadavre.

Effondré Guillaume reconnut la dépouille de sa femme. Il expliqua ces détails qui, le croyait-il, aurait dû le mettre sur la voix de ce geste fatal, son changement de comportement lui avait semblé presque anodin, sans signifiante particulière, certainement pas comme un appel à l'aide. La lettre qu'il venait de retrouver, était pourtant un terrifiant témoignage de sa décision morbide.

Tard dans la nuit ils retournèrent à leur logis.

Elle ne dormait pas, accourue à leur arrivée, elle serra Guillaume fort dans ses bras, l'assura de son soutien. Ils resteraient toujours à ses côtés, l'aideraient à surmonter cette terrible épreuve.
-Merci pour votre soutien mes amis! Répondit-il.

Il prit un somnifère, il voulait essayer de trouver le sommeil.

En arrivant dans sa chambre, il reconnut immédiatement le parfum de Claudia, aperçut ce pull qu'elle affectionnait tout particulièrement.
Un déluge coula de ses paupières gonflées par le chagrin.
S'asseyant sur le rebord de son lit il découvrit, posée sur la table de chevet, une bouteille de vodka qui semblait l'appelée de sa morbide évidence.
Il la regarda un instant. Ses mains se mirent à trembler et sans la moindre hésitation, il porta le goulot fatal à sa bouche.

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Elle s'était lovée contre lui. Elle ne comprenait pas le pourquoi de ce suicide. Claudia lui semblait pourtant heureuse, équilibrée.
Il lui décrivit son étrange comportement du matin, peu après leur départ.
Elle lui avait confié que Guillaume avait une relation amoureuse avec une autre femme, qu'elle ne le supportait pas. Puis elle était partie en sanglotant, elle voulait faire un tour, seule, le grand air lui ferait certainement du bien.

Vers quatre heures du matin, ils furent réveillés par un grand bruit qui semblait provenir de la chambre de Guillaume.
Ils frappèrent à sa porte lui demandant si tout allait bien.
Comme seule réponse il n'y eut qu'un râle.
Alors, ils prirent l'initiative de rentrer.
Guillaume était allongé sur le sol, la bouche tordue, les mains recroquevillées.
En s'approchant de lui, elle buta dans une bouteille qui roula, leur montrant l'explication de sa souffrance.
Il ne comprenait pas.
D'où venait cet alcool.
Elle haussa les épaules, elle ne savait pas, il semblait pourtant ne plus boire.
Puis ce fut la course folle vers l'hôpital. Il fallait arriver vite, très vite.
Il conduisit, les mains crispées sur le volant, le visage inquiet, espérant arriver à temps pour qu'il soit sauvé.
Elle resta aux côtés de Guillaume, le regardant d'un air indifférent qui n'évoquait pas la moindre émotion, la moindre repentance pour son geste machiavélique.

Il mourut brutalement dans la salle des urgences...

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Une saison s'était écoulée sur ce drame aux conséquences arrangeantes.
Ils avaient repris leurs vies de ménage parfait, tendrement et étroitement lié.

Ils étaient attablés dans ce joli et romantique petit restaurant.
Devant eux se trouvait un nouveau couple d'amis, Sylvie et Christian, étonnamment semblables, d'une beauté évidente, saine et admirable. Leur discussions étaient joviales, amusantes, sympathiques. Tout semblait les réunir.

L'apéritif terminé, les deux femmes se levèrent ensemble, prétextant une remise en beauté.
Les toilettes étaient désertes.
Sylvie s'approcha d'elle, la prit par le taille, plaquant son corps sur le sien, leurs lèvres se retrouvèrent, se picorant de leurs convoitises.
"Tu m'as manquée murmura-t-elle dans un ultime souffle de désir."


Dans la salle, Les deux hommes se retrouvaient face à face, silencieux, les yeux dans les yeux. Semblant apprécier ce tête à tête.
Sa main s'avança en direction de la sienne, les pointes de ses doigts effleurèrent d'une caresse la paume de ses mains.
 Il frémit.
Puis Christian murmura leur ardent rendez-vous :
"Demain, dix-sept heures, hôtel de la lune, vingt-six place grand air..."





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