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  Pas un zeste

01/01/2018


 

Pas un zeste

Le hasard fait mal les choses !

Ils se trouvaient à la gare de Genève devant la porte numéro sept, celle qui reçoit les passagers en provenance de France.

Pierre et Lydie lelax attendaient patiemment la venue d’un couple, ami de Lydie.
Pierre ne les connaissait pas.

Sa femme les avait rencontrés lors d’un long séjour qu’elle avait fait en région parisienne. Lydie était une physicienne qui travaillait au Cern et ses occupations scientifiques lui imposaient de se rendre pendant de longues périodes au centre de recherche de Saclay. C’est là-bas qu’elle avait rencontré ce charmant couple, Léon et Chloé. Ceux-ci l’avaient amicalement entourée de leur amitié. 
Léon était également physicien et aujourd’hui c’était à son tour de venir avec sa charmante épouse pour une année entière de travail dans notre belle région.

Il était délégué par son centre de recherche pour collaborer à une expérience scientifique qui se déroulerait au Cern.

Lydie, avec son mari possédaient une immense maison sur les hauteurs de Divonne et s’était donc logiquement proposée de les accueillir dans leur demeure.

« Vous ne nous dérangerez pas du tout ! Avait-elle précisé au téléphone. Notre maison possède un appartement indépendant et vous serez donc totalement libres d’y vivre à votre guise ! »

 Lydie et Pierre étaient l’exemple parfait d’un couple fusionnel.
Ils étaient heureux d’être ensemble, sans enfant et ne désirait pas pour l’instant en avoir.
Tous deux dans la trentaine, vivaient une vie prospère, presque parfaite, avec comme point d’ombre, cette seule petite incartade secrète que Pierre avait eu dans le passé.
En fait, il y a déjà de nombreuses années de cela, une magnifique créature l’avait ensorcelée l’espace de quelques mois, pour, soudainement disparaitre de sa vie sans la moindre explication. 

Il l’avait rencontrée à la piscine du Grand Lancy où il aimait défouler son énergie excessive. Régulièrement, Il y allait nager avec acharnement pendant une bonne heure et demi, allant et venant au long du bassin de cinquante mètres.
Un jour, sur la même ligne d’eau qu’il empruntait, se trouvait cette jolie femme qu’il croisait inlassablement toutes les trois minutes.
Ils s’effleuraient légèrement et le regard de Pierre à travers ces petites lunettes de protection admirait la silhouette parfaitement galbée de la belle inconnue.

Il avait même accéléré la fréquence de ses mouvements pour avoir le plaisir de la frôler un peu plus rapidement.
Puis, soudain, elle ne fut plus à ce rendez-vous minuté.
Il arrêta, contrarié, ses battements de crawl.
Leva la tête hors de l’eau pour s’apercevoir qu’elle était arrêtée à vingt mètres devant lui et se reposait, une main appuyée sur le rebord de la piscine.
Il couvrit la courte distance qui le séparait d’elle et à son tour arrêta sa course folle.

Tous deux, l’un à côté de l’autre regardaient dans le vague, respirant profondément.
Puis, ce fut elle qui fit le premier pas.

« Elle est très agréable cette piscine ! N’est-ce pas ?

Ses lèvres pulpeuses laissaient filtrer une voix douce et mélodieuse.
Pierre remarqua ses grands yeux d’un bleu intense.

Il se racla la gorge puis soudain répondit.
-Oui, vraiment très agréable !

-Je crois que c’est assez pour moi aujourd’hui ! Dit-elle en se hissant au sec. »

Pierre en fit de même et, étrange coïncidence, ils se dirigèrent dans la même direction pour rejoindre leur serviette. Le banal début de conversation se continua donc tout naturellement. Elle hotta son bonnet de bain pour découvrir ses cheveux d’un blond éclatant, puis, d’un geste de la tête, les rejeta en arrière.
Pierre suivit des yeux le gracieux mouvement de sa chevelure, puis son regard s’attarda sur ses contours.
De la pointe de ses orteils, par le galbe de ses seins, tout en elle lui semblait comparable à la perfection.
Elle remarqua bien évidemment l’avidité de son regard et accentua donc quelques-unes une de ses poses, des plus avenantes.
Puis, tous deux assis, entourés de leur drap de bain, firent plus ample connaissance.

« Je m’appelle Chloé !

-Moi c’est Pierre ! Enchanté de vous rencontrer ! Renchérit-il avant de lui tendre la main. »

 Son pouce profita de cette poignée amicale pour appliquer quelques lascives caresses à son index. Elle parut ne pas s’apercevoir de ce geste de tendresse. Elle le regardait droit dans les yeux. Des yeux d’une profondeur où pendant quelques instants il crut bien s’évanouir.

 Les détails de sa vie furent rapidement étalés. Elle travaillait à l’U.B.S. était célibataire et heureuse de l’être, adorait la musique classique et l’art en général. Elle vivait ici depuis peu et ne connaissait pas grand monde.
Elle lui demanda s’il pouvait la conseiller sur les choses qui devait être vu dans la région.
Lui, résuma sa vie sans détour, passa sur le fait qu’il était marié et lui avoua rapidement l’attirance qu’elle lui suscitait.
Elle ne fut pas choquée le moins du monde.
Plus tard, elle accepta volontiers la proposition qu’il lui fit d’une prochaine rencontre et le quitta en lui abandonnant le goût de fraise de son rouge à lèvre sur sa bouche.

 Les trois mois qui suivirent furent une succession de rendez-vous amoureux, où leurs corps échangèrent leurs ardeurs enfiévrées, où le temps volé à leurs occupations semblait s’enfuir devant eux, où la symbiose d’une entente parfaite enivrait chaque parcelle de leurs rencontres. Mille fois il crut que sa femme avait découvert cette relation coupable.
Pourtant, il n’en fut rien, elle n’eut jamais vent de leur rivale.
Puis soudainement, la belle disparut.
Sans un mot, sans une explication, le laissant dans une incompréhension des plus totales, anéanti de ressentiments, de honte, d’embarras…

 Mais tout ceci était bien loin maintenant. 

Sa femme lui donna un petit coup de coude.

« Ils arrivent ! Dit-elle, les apercevant au loin mêlés dans la file des voyageurs. »

Pierre cherchait des yeux qui ils pouvaient bien être.

Aimerait-il les personnes que sa femme tenait dans une si profonde considération ?

Soudain, la porte coulissante s’ouvrit devant eux.
  

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Lydie se précipita à la rencontre du couple et s’empressa de nombreuses embrassades sincères.
Puis, elle prit ses deux amis par la main et les emmena vers son mari.

« Je vous présente Pierre. Mon mari ! » Proclama t’elle !
Puis elle continua. Mon amour voici mes très, très chers amis dont je t’ai souvent parlé, Léon et Chloé.

Pierre avait changé de mine, son visage avait pris la gravité des mauvais jours. Sa gorge s’était desséchée, une pellicule de moiteur aigre avait entièrement recouvert son corps, avec peine il balbutia quelques mots de bienvenue à Léon et, sa main tremblante toucha celle de Chloé.

 Oui ! Cette fameuse Chloé qui avait depuis si longtemps disparue de sa vie et qui se retrouvait maintenant en face de lui. Toujours aussi belle, attirante, aguicheuse. Elle l’observait avec amusement, ses yeux semblant vouloir le pénétrer dans plus profond de son être avec, semblait-il, cette réelle intention de le troubler encore un peu plus.

Lydie et Léon ne s’étaient aperçus de rien, ils discutaient déjà physique, projet d’expérience et s’éloignaient en pleine discussion en direction de la sortie.

Pierre ne savait pas comment réagir devant la belle Chloé, les jambes molles il emboîta le pas de sa moitié qui venait de l’inviter à s’occuper des valises. Chloé en quelques pas rejoint son mari. Perchée sur de hauts talons, elle se mouvait avec une grâce féline balançant ses hanches dans une volupté provocatrice. Elle ressentait le regard de Pierre, l’imaginant oscillant sur ses formes lascives, retrouvant le reflet si longtemps évaporé de sa silhouette.

Le trajet qui les conduisit à leur propriété ne fut meublé que par la conversation passionnée de sa femme et de son ami Léon.

Chloé à côté de lui restait silencieuse, croisant ses jambes découvertes par une jupe certainement un peu courte. Pierre se concentrait avec difficulté sur la conduite de son véhicule. Jetant discrètement de nombreux coups d’œil à sa voisine, à son ancienne amante, redécouvrant le galbe de sa poitrine, de ses gambettes d’ébènes, de sa posture parfaitement verticale, de la rondeur effacée de son ventre.
Son esprit chavirait dans le rêve de leurs étreintes passées, dans cet amour qui avait fini par s’égarer dans le plus profond de son âme en abjurant même sa réminiscence.
Mais maintenant c’était bien elle qui était prêt de lui, mariée au meilleur ami de sa femme et qui allait passer au moins un an dans sa propre demeure.
Dans le cours de sa réflexion, ce qui lui avait tout d’abord semblé une catastrophe se transforma petit à petit en une intéressante expérience. Une perspective certaine de pimenter sa vie qu’il venait de trouver, soudainement, un peu trop monotone.

« Il fait très beau aujourd’hui ! » Murmura Chloé en tournant la tête dans sa direction.

Pierre la regarda, se désintéressant imprudemment de la route.
Elle était encore plus belle que dans ses souvenirs. Son visage s’était empreint d’une maturité délicieuse, ses lèvres lui semblaient encore plus désirables, ses pommettes d’une parfaite rondeur, ses cils allongés, son maquillage discret…
«Attention ! S’écria Lydie.

Une brusque embardée lui permit d’éviter l’accident.
-Chérie, ne distrait pas le conducteur, s’il te plaît ! Suggéra Léon d’une voix affolée.

Pierre ralentit son véhicule, et s’engagea dans un petit chemin privé.

Devant eux leur magnifique propriété s’offrait maintenant à leurs yeux.

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Pointant de son doigt une petite porte située sur le côté droit de la demeure, Lydie demanda à ses amis de la suivre.
«Je vais vous montrer vos appartements !
»

L’endroit était spacieux et charmant.
Au rez-de-chaussée il y avait un petit salon coquettement meublé, une cuisine avec tout l’équipement indispensable et une véranda qui procurait une clarté sympathique à toute la maisonnée.
Au premier étage, deux chambres l’une au ton bleuté attachée à une salle de bain de coloris identique et l’autre plus petite, tapissée de papier aux motifs printaniers.
 Dans la chambre couleur de ciel, ils regardèrent avec un air coquin l’immense lit qui trônait au beau milieu de la pièce.

Lydie ouvrit une immense armoire :

« Voici de quoi ranger toutes vos affaires ! »
Les deux invités émerveillés se confondaient en remerciements, insistant sur la générosité et la gentillesse de leurs hôtes qui leur prêtaient un endroit aussi agréable.

Pierre avait posé les valises qu’il portait à l’entrée de la chambre et, sans le moindre bruit, s’était éclipsé.
Par contre, Lydie, en hôtesse parfaite, continua la description des détails indispensables.

-J’ai rangé deux jeux de draps dans ce placard. Voici des linges et deux peignoirs. S’il vous manque quoi que ce soit n’ayez aucune hésitation à me le demander.
Puis elle songea aux détails qu’elle aurait pu oublier, eut une mimique de satisfaction et conclut.

-Je vous laisse vous installer. Nous vous attendons vers dix-neuf heures pour dîner. C’est la première porte à côté de chez vous. Vingt mètres sur la gauche ! Précisa-t-elle sur un ton de plaisanterie.

Elle fit mine de partir, mais en descendant les escaliers, elle s’arrêta net, puis, s’adressant une dernière fois à ses invités, elle ajouta.
-Je suis heureuse de votre présence sous notre toit !

Chloé et Léon, s’allongèrent sur le lit. La main gauche de Chloé enserra celle de son compagnon.

-Ils ne se sont pas moqués de nous ! Dit-elle.

-Lydie est vraiment parfaite ! Commenta Léon.

-Je crois que nous allons nous plaire ici !
Puis Chloé se redressa, octroya un baisé à son mari et décida qu’il était temps de ranger toutes leurs affaires.
Léon ne bougea pas d’un pouce, laissant sa douce moitié s’occuper d’un travail qu’il pensait être réservé à la gente féminine.

Insatisfaite de son apathie, elle le rappela à l’ordre :

-Ne crois pas que je vais m’occuper de ta valise, allez, fainéant au travail !

Chloé avait cette qualité ou ce défaut d’aimer l’ordre parfait et elle ne pouvait supporter aucun bazar.

Elle rangea soigneusement ses vêtements, alloua une place spécifique pour ceux de Léon, qui lui, aurait préféré un peu plus de laisser aller. Puis elle le Laissa prendre son bain et descendit prendre possession de la cuisine.
Elle remarqua que la cuisinière était à gaz et fonctionnait à l’aide d’une bombonne de Butane. Elle vérifia qu’elle était pleine.
Soudainement.
Une bien singulière pensée vint à son esprit. Son joli visage se targua d’un rictus peu sympathique. Elle resta quelques instants pensives, la main posée sur le détendeur de la bombonne, puis secouant légèrement la tête, se désintéressa de l’objet pour continuer sa prospection.
Elle remarqua que la vaisselle était décorée d’arabesques artistiques.

Sur l’une des tablettes un ensemble de couteaux aux lames acérées n’attendaient qu’un morceau de viande à débiter.
De nouveau son visage se figea et ses sourcilles se froncèrent d’une façon interrogative.

Puis elle découvrit les produits de nettoyage, prit la bouteille de soude caustique dans la main et la fit pivoter devant ses yeux, puis accompagnée d’un profond soupire, la reposa à son exacte emplacement.

Lydie avait pensé à tout. Du lait, des légumes frais et un morceau de bœuf dans le frigo, des fruits dans une corbeille.

Chloé se mit à penser à cette relation lointaine qu’elle avait eu avec Pierre.

Son corps trembla aux souvenirs de ses caresses, à ses mots si doux échangés…

«La salle de bain est libre !

Léon apparut, drapé d’un long peignoir d’un blanc irréel, se frictionnant les cheveux à l’aide d’une serviette. Il prit une pomme dans sa main gauche la frotta sur le drapé qui cachait son ventre et croqua jovialement dans le fruit.

Chloé lui sourit.

-Tu as raison, Lydie est vraiment une hôtesse admirable.

Tous deux se tenaient devant la fenêtre. En face d’eux, le Jura s’élançait verticalement vers le ciel. Le joli parc de la propriété avait depuis peu revêtu ses couleurs de fin d’automne.
Ils aperçurent Pierre un râteau à la main qui nettoyait la pelouse des nombreuses feuilles mortes qui s’y étaient déposées.

-Comment le trouves-tu ? Demanda Léon.

-Je ne sais pas, nous n’avons échangé que quelques mots sans importances. Il …

Elle arrêta brusquement la remarque qu’elle avait l’attention d’ajouter, se détourna de la clarté naturelle et d’un pas léger s’esquiva.

-Je vais faire ma toilette ! »

Léon ne s’interrogea nullement sur cette dérobade et les yeux posés sur son hôte, imaginait sa personnalité. Le félicitant intérieurement de la chance d’être le mari de la charmante Lydie.

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Ils frappèrent à la porte.

« Entrez vite, il fait un froid terrible ! » S’exclama Lydie en les recevant.

Léon et Chloé pénétrèrent dans l’immense demeure.
Un grand hall pavé de marbre.
Deux escaliers aux montés symétriques, une statue grecque d’un goût délicat, un énorme lustre dont les diamants de cristal rayonnaient de mille feux et une multitude d’ornementations soulignaient l’évidence de la magnificence du lieu.

Lydie débarrassa ses invités de leurs épais manteaux et eut un regard d’admiration devant la robe de Chloé.
En effet, celle-ci accompagnait merveilleusement ses courbes parfaites et ne laissait que peu de place à l’imagination. La réaction de son mari fut totalement prévisible, il resta quelques instants immobiles, ses yeux avides se promenant sans retenu sur ces formes qu’il connaissait si bien.
Léon fît mine de ne rien remarquer. Puis, Lydie semblant agacée pressa son mari de faire visiter les lieux à ses hôtes.

Ils firent donc le tour du propriétaire.

L’endroit démontrait sans conteste les revenus confortables de leurs amis. Une chose anodine les intéressa plus particulièrement. C’était la véranda qui était agrémentée par la présence d’un magnifique citronnier orné d’une multitude de fruits.

« Sont-ils comestibles ? Demanda Léon.

-Bien entendu, je vais d’ailleurs bientôt les ramasser et les stocker dans ma cave avec les pommes, ceci leurs permettra de mûrir plus vite !

Puis ils montèrent tous à l’étage supérieur pour admirer les chambres et la magnifique vue qu’ils avaient sur les lumières de Genève.

Lydie pointa d’un doigt une porte particulièrement massive.

-Celle-ci mène à votre appartement, mais ne vous inquiétez pas, il y a un verrou de chaque côté. Ne craignez donc rien pour l’intimité de votre foyer ! Dit-elle en rigolant.

Léon tapota gentiment la porte.

-Je me sens plus rassuré !

Bientôt ils se retrouvèrent devant une table somptueusement garnie.

Pierre assis en face de Chloé ne pouvait s’empêcher de s’absorber dans son image, profitant du moindre aparté entre les deux esprits scientifiques de sa femme et de Léon, pour lui décocher quelques regards sulfureux.
Pendant le repas, les deux compères de travail quittèrent ensemble la table en s’excusant à peine pour aller vérifier dans un livre de la bibliothèque une affirmation contestable concernant quelques équations mathématiques.

Chloé en profita pour poser sa main sur celle de Pierre, son regard assaillit la profondeur de ses yeux, puis elle murmura une simple question.

« M’aimes-tu encore ?

Pierre ne dit rien, extrêmement troublé par le simple contact charnel de leurs doigts maintenant entremêlés. En fait, son esprit ne savait pas vraiment que répondre.

Sa disparition !
Il se souvenait d’en avoir vraiment souffert. Il lui avait fallu des mois pour l’éradiquer de son esprit. Pour enrayer ses longues nuits d’insomnie à la recherche de sa présence. Pour effacer les rêves de sa peau, de son odeur, de sa délicate affection.

Puis tout aussi soudainement sa fortuite intrusion dans son environnement familiale, alors que toute cette aventure n’était pour lui plus qu’un vague souvenir.
Elle était réapparue devant lui, apportant avec elle tout ce désir, toute cette attirance qui resurgissait du plus profond de son âme, renouant avec un passé qu’il avait été heureux d’oublier.

-Oui ! Répondit-il.

Elle lui sourit, ses doigts habilement se séparèrent des siens, elle découpa un morceau de viande qu’elle amena délicatement à sa bouche pendant que Lydie et son mari les rejoignaient heureux d’avoir trouvé la solution de leur problème.

-Avez-vous fait plus ample connaissance ? Demanda Léon.

Chloé le confirma d’un mouvement de la tête puis ajouta s’adressant à Lydie.

- Ton mari est un homme tout à fait charmant !

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Revenons à ma première affirmation concernant le hasard !

Il avait au début de cette histoire bien mal fait les choses, mais pourtant, vous le comprendrez plus tard, une nouvelle rencontre allait bientôt attester du contraire.

Ernest Puppa, un livre à la main se délectait d’une bouchée d’un Kebab assis à la table de « Chez Billy », petit bistroquet qui se trouvait à une dizaine de mètres du
cinéma club de Gex .

Ce n’était pas vraiment son habitude de s’y installer car il habitait non loin de là et s’accommodait facilement de sa propre cuisine. Mais aujourd’hui il s’était présenté trop tôt à la séance cinématographique du jour et avait une bonne demi-heure à passer avant l’ouverture de la salle. Au lieu de rentrer chez lui il avait donc décidé de tuer ces quelques instants d’attente à se délecter de cette nourriture maghrébine.  

Il en avait profité pour se plonger dans sa lecture du moment. Un livre de poche « Ou bien…ou bien », œuvre majeure de Kierkegaard parlant des choix de l’existence. Une lecture très austère en vérité, mais qui s’apparentait fortement bien à la nature conceptuelle de son existence. C’est à cet instant que la coïncidence dont je vous faisais part un peu plus tôt fît son apparition.

Sur sa droite quelqu’un tapait sur la vitrine du bistrot.

Ernest reconnu immédiatement l’un de ses copains. Il lui fît un signe de la main pour qu’il vienne le rejoindre. Et, ce fût fait en quelques instants. Sylvain Gompier, maintenant assis en face de lui, souriait comme il en avait l’habitude.

« Alors toubib, quoi de neuf !

-Oh, la routine, huit angines, trois crises de foie, quelques foulures et deux problèmes cardiaques !

Pour lui, la journée venait juste de se terminer et à ses yeux fatigués on pouvait comprendre que son travail s’apparentait à du dévouement.

-Il est temps pour toi de prendre des vacances. Fît remarquer Puppa.

Le docteur hocha de la tête, mais son métier était pour lui une réelle passion, un sacrifice de sa personne, qu’il déployait bien volontiers. Les deux hommes parlèrent longuement. Ernest avait rapidement compris que cet ami qu’il voyait peu souvent, ressentait la nécessité de se confier à quelqu’un, de raconter ses propres peines et afflictions. La conversation fût donc un simple monologue qui n’exigeait de Puppa que de courtes réponses ou suggestions. Puis vint cet instant crucial qui, vous le comprendrez plus tard, fut prépondérant dans la découverte d’un macabre homicide.

-Quand tu te trouves dans l’obligation d’établir des certificats de décès ! Demanda Puppa. As-tu déjà eu l’impression de te trouver devant une mort, disons, pas si naturelle que ça ?

Sylvain réfléchit quelques instants.

-Et bien, maintenant que tu m’en parles, ça m’est arrivé de douter de la nature légitime de la mort. Quelques rares fois, il est vrai. Ce n’est pas vraiment une certitude, mais juste une réflexion, une impression qui pendant quelques instants m’a interloquée.

-Et qu’as-tu fait ?

-Rien ! Répondit-il l’air penaud. Tu sais, à cause de la tristesse des proches du défunt, le doute du bien-fondé de ta considération ne te permet peut-être pas d’avoir le recul nécessaire pour décider qu’une autopsie soit obligatoire.

Puppa l’écouta sans rien dire.

Le toubib se demanda ce qui lui était bien passé par la tête pour poser une telle question. Peut-être, la déformation professionnelle provenant de son métier d’inspecteur de police !

Le regard de Sylvain lui suggéra, à cet instant, une réponse, une recommandation. Puppa ouvrit enfin la bouche.

-Ne n’inquiète pas pour ça ! Mais si un jour t’as un doute, passe-moi un coup de fil.

Puis jetant un coup d’œil à sa montre, Ernest se rendit compte que la séance du film qu’il voulait voir, venait de commencer sans lui. Il s’excusa et lui expliqua que, pour rien au monde, il ne pouvait le manquer.

Plus tard, en repassant avec sa voiture devant le cinéma, Sylvain s’amusa à la vue de l’affiche. « Sept ans de réflexion » avec Marilyn Monroe.

-Sacré Puppa se dit-il, toujours aussi amoureux de ta Marilyn !  

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Ils restaient enlacés.
Leur désir assouvit, ils aimaient s’éterniser ainsi sans le moindre mouvement, écoutant leurs battements de cœur, attentif aux moindres frémissements de l’autre. Leurs retrouvailles avaient été si heureuses, si nécessaires. Ils ressentaient à nouveau le bien-être de leurs rencontres quotidiennes.

Leurs yeux se rencontrèrent dans la lumière blafarde de cette sombre après-midi d’hiver. Il déposa un baiser sur sa bouche.

« Crois-tu qu’il se doute de quelque chose ? Demanda t’il.

-Je ne le crois pas. Tu sais, avec ses occupations. Et puis il est tellement égoïste. Certain de son charme.

-Ressens-tu encore quelque chose pour lui ?

Elle ferma les yeux. Il comprit que son silence ne signifiait qu’un instant de réflexion. Puis elle affirma.

-Non !

Puis, elle se remit à égrener tous les défauts dont son mari était à son avis affublé.

Ce fut à cet instant qu’une idée machiavélique germa dans leurs esprits.
L’évidence de la solution à leur amour sembla, soudain, ne plus avoir d’obstacle !

Il fallait le liquider…

Elle connaissait ses habitudes ! Il suffisait simplement de réfléchir à la façon de le supprimer de façon à rester impuni.

Allongés sur le dos, sa main droite étreignant sa main gauche, ils méditaient.
Ils n’entendirent même pas le grincement de la porte qui séparait les deux appartements, ni les bruits des talons qui s’enchaînèrent dans le couloir.

Le loquet de la porte de leur chambre lentement pivota, puis sans le moindre bruit, elle entra.

Ce fut Lydie qui la vit en premier.

Chloé restait là, immobile, les regardant dans un silence inconfortable.

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Pierre partiellement assoupi encaissait à intervalles réguliers les soubresauts du wagon qui l’emmenait en direction de Zurich. Il devait se rendre au siège social de son entreprise. Il n’était pas vraiment heureux de cette obligation. Pourtant ce n’était habituellement pas le cas, mais cette fois il aurait préféré un métier plus sédentaire. La présence de Chloé en était la principale raison. Il ne l’avait vu que quelques jours depuis son arrivée et son image le hantait, peuplait ses rêves du souvenir de leur liaison passée. Il s’était mis en tête de la reconquérir et de fuir avec elle loin de cette vie qui lui semblait soudainement si plate et dénuée de tout intérêt. Il lui semblait que ce projet n’émanait pour le moment que de sa simple intention et il n’était pas certain de pouvoir décider son ancienne maîtresse à le suivre.

Il n’avait pu la voir seul à seul que quelques brefs moments.

Il se souvint de cette après-midi où, enfin seuls, il avait posé ses mains sur ses hanches et avait voulu l’embrasser. Mais elle s’était esquissée.

« Non pas ici, pas maintenant ! Avait-elle dit.

Il avait compris que son regard sur lui, avait changé. Que ses yeux si doux qui le troublaient et provoquaient en son cœur des battements intempestifs ne brûlaient plus de la même sorcellerie !
Pourtant son égo refusait cette réalité.
Ce n’était certainement qu’une réaction passagère, résultat d’une si longue absence.
Il la regarda.
Navigua à loisir sur son corps dont il se rappelait chaque détail.
Puis la question de sa brusque disparition arriva à ses lèvres.

-Pourquoi es-tu si brutalement partie ?

Elle lui tourna le dos, un peu comme si elle voulait lui cacher son émotion, fit trois,  quatre pas, puis lui fit de nouveau face.

-Il fallait que je te quitte, le croisement de notre chemin devait à mon avis ne rester qu’un heureux souvenir. Ta vie se trouve ici avec ta femme, ton travail, tes habitudes. Moi, j’avais besoin de la stabilité d’un homme qui n’aimerait que moi et qui m’offrirait le confort d’un foyer sans vague. La rencontre que j’avais inopinément faite avec Léon me proposait tout cela !

 Puis, Pierre se souvint de la venue de Léon dans le pays de Gex.
A l’époque, il ne l’avait pas lui-même rencontré, mais sa femme avait devisé de sa présence. Lui avait indiqué qu’elle travaillerait en collaboration avec cet homme qui lui semblait posséder des qualités scientifiques remarquables. Qu’il n’était ici que pour quelques jours, qu’elle lui avait exposé son projet et qu’ensuite elle devait elle-même se rendre sur Paris pour être présentée à son équipe.

Mais, alors, comment avait-elle pu en une si courte période de temps s’amouracher de cet homme et décidé en quelques jours de le rejoindre ?

Il aurait voulu prolonger cette conversation et trouver ainsi les réponses à ses interrogations, mais Léon et Lydie étaient de retour et ne permirent pas aux anciens amants d’éclairer les points obscurs de leur histoire.

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Ernest regardait par la fenêtre de sa chambre.
Le brouillard qui recouvrait Gex depuis maintenant plus d’un mois venait de s’éclaircir avec la tombée de la nuit. Des vagues de brumes ondulaient submergeant plus bas le petit village de Cessy. Au loin le Mont-blanc rougeoyait sous la lumière du soleil couchant.
Il avait posé sur sa table de chevet le petit bouquin de Kierkegaard. Cette confrontation entre l’éthique et l’esthétique l’avait laissé songeur.
Quelle voie privilégiait-il ?
Il ressentait une sorte de profonde ambivalence à ce sujet. Il songea qu’il avait toujours su faire la part de ses deux aspects de la vie, choisissant le juste milieu qui lui permettrait une meilleure compréhension de l’existence.
Chaque année c’était pour lui la même chose. La venue de l’hiver l’enfermait dans la lecture d’œuvre à la complexité importune. Etait-ce le temps maussade, le froid engourdissant, la diminution de la clarté solaire, il se sentait brusquement l’âme d’un grand penseur, devenait pur esprit, méprisant les mesquineries de son entourage pour se pencher sur l’essentiel, l’essence de sa matérialité.

Sonon regard se perdit sur les flancs de cette immense montagne aux neiges éternelles qui lui offrait à cet instant sa meilleure silhouette.  Il songea aux cordées qui péniblement cheminaient sur sa déclivité.
Puis, un personnage d’importance passa dans la rue. C’était Sylvain, le bon médecin ami d’Ernest. Ce moment marquant m’imposa la suite de l’histoire.
Puppa tapota sur la vitre de sa fenêtre. Il espérait ainsi attirer l’attention de son copain et pouvoir lui faire un petit salut amical. L’éloignement de celui-ci ne lui permit pas d’entendre cet appel, il continua son chemin, emmitouflé dans un grand manteau qui le protégeait de la température glaciale.  
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Chloé regarda le couple illégitime enlacé dans le même lit. Qu’allait être sa réaction ?
Ce fut Léon qui brisa le silence.
« Ma chérie, tu viens nous rejoindre ! »
Chloé sourit, elle dénoua la ceinture qui gardait les pans de son peignoir réunis. La plénitude de sa nudité engagea quelques considérations admiratives de la part de Lydie, puis, sur la pointe des pieds, dans une démarche de gazelle, la belle rejoignit rapidement leur couche.
Leurs ébats illicites s’éternisèrent dans un échange de jouissance qu’ils affectionnaient de plus en plus… Le temps s’écoula doucement magnifiquement comblé par la plénitude de leurs suaves étreintes.
 Deux heures plus tard, profitant d’un rayon de soleil, ils s’étaient retrouvés assis sur le banc planté au milieu de l’immense véranda. De nombreuses plantes donnaient une touche revigorante à la tristesse de l’hiver. La forte odeur diffusée par le citronnier stimulait leurs papilles.
Léon se retrouvait assis entre les deux femmes, ses deux bras reposant sur le dossier les cernaient de leurs vigueurs masculines. Il se sentait maître des lieux, possesseur exclusif de leurs féminités. Pourtant ce ne fût pas lui qui lança la conversation sur le sujet ou du moins sur l’avenir compromis de son rival.
« Il faut qu’on liquide Pierre ! Lança soudainement Lydie.
Chloé acquiesça aussitôt.
-On serait si heureux ensemble, sans lui, sans sa présence dérangeante.
Le ton de la conversation qui s’en suivit montrait une animosité à son égard que personne étranger à l’affaire n’aurait pu soupçonner. Le pauvre fût affublé de tous les défauts de la terre, traité d’être ignoble, méprisable, ne montrant aucune considération pour les autres et ne pensant qu’à son propre contentement.
Léon, lui, ne dit pas un mot. Bien qu’il ressente une totale acceptation envers ces propos haineux. Il préférait écouter, se délectant de la haine qu’éprouvaient ses amantes envers cet être qui se campait comme seul et dernier écueil à leur parfaite union.
Ce qui l ‘avait toujours étonné c’est que Lydie ne laissait jamais transparaître sa haine devant son mari. Celui-ci ne se doutait de rien. Il lui avait même confié que son couple vivait dans une parfaite harmonie, qu’ils s’adoraient et que leur union resterait éternelle.
Peut-être était-ce le fait de groupe qui entraînait une telle hostilité.
Prenant le pas de la conversation il se décida à dénigrer lui-même son concurrent et d’ainsi enfoncer un peu plus le clou qui était pourtant complètement écrasé.
La conclusion de Lydie reçue rapidement la confirmation de ses amis.
-Il faut le supprimer ! Cracha-t-elle dans un dernier aboutissement.
Toutes les têtes approuvèrent d’un mouvement à l’unisson.
Un dernier frisson parcouru leurs échines. Frisson de bonheur, bonheur de s’être accordé sur le remède de leurs ressentiments. Il fallait maintenant réfléchir sur le moyen de faire cela proprement, sans attirer l’attention de leur entourage ou de la police. Il fallait l’occire en faisant croire à un décès naturel.
-Une ballade en montagne qui se termine mal !
-Un accident de voiture !
Une kyrielle d’hypothèses ne les satisfirent pas, trop complexes à réaliser, trop dangereuses, trop évidentes.
C’est le regard vagabond de Lydie qui apporta le premier maillon de la terrible solution. Chloé enchaîna sur la façon de provoquer le drame sans attirer les soupçons qui pourraient immanquablement entraîner une autopsie.
Léon grimaça devant l’horreur machiavélique des deux femmes.
Puis le téléphone sonna. C’était Pierre qui annonçait son retour de voyage. Son train venait d’entrer en gare. Dans moins d’une demi-heure il serait à la maison.
Chloé alla fouiller dans un tiroir en tira un feuillet, le parcouru rapidement et affirma.
-Il faudra faire vite, le docteur Sylvain Gompier sera de garde dans quinze jours.
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Pierre ne se sentait pas bien. Depuis quelques jours, il éprouvait des palpitations cardiaques et cela l’inquiétait.
Il décida enfin d’aller voir son médecin et c’est dans la salle d’attente qu’actuellement nous le retrouvons.
Depuis son retour, il n’avait pas vraiment revu Chloé. Elle l’évitait, n’était même pas venu avec son mari pour boire l’apéritif, prétextant qu’elle ne se sentait pas très bien.
Pierre s’en était fait une raison, il fallait faire une croix sur cet ancien amour, oublier sa présence. Mais cela le contrariait au plus haut point. D’ailleurs il pensait que c’était ce stress qui le rendait malade.
Il pénétra dans le cabinet du docteur Gompier.
« Alors Pierre, qu’est ce qui t’amène !
Les deux hommes étaient amis depuis longtemps et s’appréciaient particulièrement.
-Je ne me sens pas très bien, mon cœur s’emballe à tous moments.
Il prit sa tension puis, muni de son stéthoscope jaugea les pulsations cardiaques de son copain. Après quelques minutes d’auscultation il ne put que constater l’irrégularité de cet organe vital.
-Oui, tout cela ne me semble pas très bien, tu vas prendre quelques jours de repos. Puis écrivant son ordonnance il ajouta. Je t’envoie faire un électrocardiogramme puis tu reviendras vite me voir pour que l’on puisse guérir tout cela très vite.
-Penses-tu que c’est grave ?
-Fais d’abord cet examen, puis reviens me voir. Pour l’instant, je te conseille de prendre quelques jours de repos !
La mine triste, Pierre décida de ne pas rentrer directement chez lui. Il avait décidé de ne parler à personne de ce problème de santé qui l’inquiétait désagréablement. Le trouble qu’il éprouvait ne provenait pas essentiellement de son mal, mais également de ce terrible sentiment de se sentir vieillir, d’inexorablement cheminer vers des vieux jours qu’il ne connaîtrait peut-être même pas.
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On était dimanche après-midi. Lydie en compagnie de Pierre profitait de la chaleur apportée par les rayons blafards du soleil d’automne.
Pierre ne disait mot, le regard perdu dans le vague il était plongé dans une profonde méditation. Lydie quant à elle parcourait son magazine féminin favori.
Il grimaça et porta la main sur son cœur, encore une de ses palpitations qui l’inquiétait. Il n’en avait pas parlé à sa femme, attendant le verdict de son médecin pour l’en informer.
Lydie n’avait aucunement besoin de sa confidence, elle savait ce qu’il avait, elle en était son origine. Tous les matins depuis maintenant plus d’une semaine elle ajoutait au déjeuner de son mari une petite pilule médicamenteuse qu’elle avait récupérée chez son père maintenant décédé et qui avait été sujet à une maladie cardiaque.
Sans prêter attention au faciès pathologique de Pierre, elle leva la tête, fixa de ses yeux le citronnier, compta d’un rapide mouvement de tête les fruits qui s’y trouvaient puis interpella son mari.
« Pierre, ne m’avais-tu pas dit que tu devais entreposer les citrons dans notre cave pour leurs permettre de mûrir plus vite.
Pierre leva la tête, il n’avait vraiment pas la tête à jardiner. Mais, peut-être pour se dégager de sa tristesse, il acquiesça à la suggestion en ajoutant.
-Tiens c’est une bonne idée !
Se levant avec peine, il se dirigea vers l’arbuste et commença sa récolte. Comme il en avait l’habitude, il prit soin d’entreposer chaque fruit dans d’un petit panier d’osier qui se tenait prêt de lui.
Lydie le regardait en coin feignant de ne pas s’intéresser à ce qu’il faisait.
Un petit sourire se dessina sur le coin de ses lèvres.
Tout se déroulait comme elle l’avait prévu.
Bientôt elle serait libre !
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Pierre descendit au sous-sol, se présenta devant la cave qu’il réservait à ses récoltes. Poussa la lourde porte en bois.
Aussitôt les senteurs de campagne charmèrent ses narines lui tirant un frissonnement de plaisir.
Il entra lentement dans le grand local.
Devant lui, posés soigneusement sur de grandes planches en bois se trouvaient alignés une quantité de pommes et poires, alternées entre des piles de vieux journaux qui faisait office d’éponge à humidité.

Il referma soigneusement la porte derrière lui.

La petite lucarne postée au niveau du plafond lui dispensait une lumière diffuse et blafarde
Il se décida donc d’allumer son ampoule électrique.
 Il manipula le levier de l’interrupteur à maintes reprises sans obtenir le moindre résultat.
Il bougonna des jurons.
Elle est toujours claquée quand on a besoin d’elle !
Pour aujourd’hui il se débrouillerait sans son aide.
Il entreprit de ranger minutieusement ses citrons sur les rayonnages, prenant garde de les alterner avec les autres fruits.
Absorbé dans sa tâche, il n’entendit même pas la clef qui tournait dans la serrure de la porte, ni même ces bruits de pas feutrés qui naviguaient dans le couloir.
Pourtant au bout de quelques instants une odeur désagréable le fit réagir. Il toussota.
« Ça sent le gaz ! »
Il essaya immédiatement d’ouvrir la porte.
Elle était fermée à clef !
« Mais, je suis enfermé, c’est quoi cette plaisanterie ! »
L’odeur de gaz se fit de plus en plus pressante.
Il se sentait suffoqué.
Alors ses poings se mirent à tambouriner la porte.
« Aidez-moi ! Lydie ! je suis enfermé ! A l’aide !
C’est à ce moment qu’il aperçut le petit tuyau qui passait sous le pas de la porte. C’était de lui que venaient ces émanations. Il le saisit, mais certainement trop tard, il commençait à tituber, quand, il entendit un petit bruit au-dessus de sa tête.
Levant son regard, il aperçut Chloé, Léon et Lydie qui le regardaient méchamment agoniser à travers la lucarne. Pierre broya de rage le citron qu’il tenait dans la main.
« Mais, pourquoi veulent-ils me tuer ! ».
Tout en regardant ses bourreaux il chancela une dernière fois avant de s’effondrer, Entraînant dans sa chute la pile de journaux ainsi que l’une des étagères. Son agonie dura quelques minutes où il lutta tant qu’il le put avant de sombrer dans l’antre de la mort.
Une bonne heure s’était maintenant écoulée quand les meurtriers se décidèrent à ouvrir la porte. Lydie enleva la clef de la serrure et la remis du côté intérieur de la pièce, Chloé ouvrit la lucarne et à l’aide d’une plaque de carton, d’un mouvement répété de haut en bas provoqua un courant d’air dans le but d’éliminé l’odeur entêtante du gaz.
Léon enroula le tuyau, prit la bombonne de butane et la remonta chez lui.
Quelques minutes plus tard, calmement Lydie décrocha son téléphone.
Dès qu’une réponse lui arriva, elle se mit à jouer son rôle à la perfection.
« Docteur Sylvain Gompier, c’est Lydie Lelax. Venez vite, mon mari a pris un malaise ! »
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Il ne fallut que quelques minutes au docteur Gompier, pour arriver sur les lieux. Lydie semblait effondrée, elle était assise sur le canapé, en larme et c’est Chloé qui le reçu.
« Je suis une amie de Lydie et voici mon mari Léon, nous logeons dans l’appartement à côté.
-Où se trouve Pierre ?
-A la cave, où il était en train de ranger ses citrons.
Quand Lydie s’est aperçue de son absence un peu trop longue, elle est descendue pour le voir et… »
Tout en parlant, elle lui avait intimé de le suivre jusqu’à l’endroit du malaise.
Sylvain eut un frisson d’effroi quand il vit son copain allongé de tout son long sur le sol. Le pauvre homme était entouré des fruits et journaux qu’il avait entraînés dans sa chute.
« Nous n’avons pas osé le retourner ! »
Le docteur, poussa du pied les citrons qui le gênaient puis s’agenouilla prêt du corps de son ami. Il le retourna délicatement. Porta la main à sa gorge.
Tenta vainement, pendant de longues minutes, un massage cardiaque.

La larme à l’œil, résigné, il referma les yeux grands ouverts de son ami, puis se releva doucement.
Avec difficulté, la voix assourdie, il raconta leur dernière rencontre.
« Il est venu me voir. Il y a quelques jours. Il semblait avoir des problèmes cardiaques, je pense qu’il vient de succomber à son mal. »
Lydie qui venait de les rejoindre fut prise d’un malaise.
Le docteur réagit immédiatement.
Il se pencha vers Lydie dont la pâleur témoignait du choc qu’elle venait de subir.
« Aidez-moi à la remonter ! »
Tous se retrouvèrent dans le salon.
Lydie lentement reprit ses esprits.
 Chloé assise à côté de Léon lui tenait la main cherchant ainsi du réconfort.
Leurs visages tendus et graves restaient fermés.
Le docteur assis à une table prenait des notes sur son calepin, notifiant la cause du décès.
Le silence était tel que l’on pouvait clairement entendre le crissement de son stylo.
Sur son rapport il écrivait :
« Crise cardiaque », puis il précisa l’inquiétude que Pierre lui avait signalée au sujet de son cœur et les examens qu’il venait de subir.
Pourtant, malgré l’évidence de cette mort naturelle.
Sylvain ressentit une incertitude.
Quelque chose ne semblait pas coller…

Non, le chagrin de ses proches ne lui permettait pas de penser qu’il pouvait être en présence d’un meurtre.
Mais, la position du cadavre ne lui semblait pas celle de quelqu’un qui vient d’avoir une crise cardiaque.
Il n’y avait pas de rictus sur sa figure et ses mains se trouvaient très loin de son thorax. Pourtant, à son avis, la première réaction face à ce type de crise, c’est de porter ses mains à l’endroit de son mal.
Relevant la tête de ses écrits, il réfléchit quelques secondes.
Fouilla dans sa sacoche d’où il sortit son téléphone portable et lança un coup de fil.
Tout en composant un numéro il demanda.
« Quel est votre adresse exacte ? »
Léon lui répondit.
Sylvain en ligne avec son correspondant, après quelques brèves paroles de civilité et une explication sommaire des faits, épela ces coordonnées puis ajouta.
« Si tu peux venir tout de suite, je t’attends ! »
Il se leva de sa chaise, se rendit au chevet de Lydie, lui prit la main.
« Allez-vous mieux ? »
Lydie eut un pâle sourire.
« J’ai demandé à un ami médecin de venir vérifier quelque chose concernant la mort de Pierre. C’est lui qui a, il y a quelques jours, pratiqué sur Pierre les examens cardiaques que je lui avais demandés ! »
Lydie lui répondit d’un hochement de tête.
La main de Chloé enserra un peu plus fort celle de son mari.
Un petit quart d’heure plus tard, quelqu’un sonna à la porte.
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-C’est Ernest ! Je vais ouvrir ! Commenta le médecin.
-Alors, Sylvain quelque chose qui ne va pas ?
Sylvain, cligna des yeux, intimant ainsi la discrétion à son interlocuteur. L’entraînant dans un coin de la pièce, à voix basse et en quelques mots, il lui fît part de ses doutes.
Il ajouta.
« Tu m’avais gentiment proposé l’autre jour de m ‘assister dans le cas où j’éprouverais un doute sur la nature d’un décès ! Te voici à l’épreuve ! » 
Les deux hommes descendirent à la cave, nos trois complices qui avaient de loin observé la rencontre, ne bronchèrent pas d’un pouce, acceptant sans aucune réaction la venue d’Ernest qu’il pensait être un médecin.
Quand ils les entendirent atteindre les dernières marches au bas des escaliers. Léon et Chloé murmurèrent ces quelques mots à l’intention de Lydie.
« Prends ce cachet, tu iras mieux ! »
Effectivement Lydie avait absorbé une substance qui lui avait provoqué une brutale chute de tension, lui permettant ainsi de feindre à la perfection l’étourdissement dû à une émotion trop forte.
Pendant ce temps, Ernest, à quatre pattes, observait le cadavre avec minutie.
Quelques détails flagrants l’informèrent bientôt que quelque chose d’anormal s’était déroulée.
Léon vint les rejoindre.
il demanda si son aide pouvait leur être d’une quelconque utilité.
Puppa se retourna vers lui et demanda.
« Vous n’auriez pas une bougie ? « 
Léon fut étonné de sa question mais exécuta sa requête sans oser s’informer de son but exact.
Le docteur regarda son ami avec interrogation, aspirant quelques explications de sa bouche.
Mais, comme à son habitude, Puppa ne dévoila rien, et, c’est affublé d’une grosse bougie de Noël allumée qu’il entra de nouveau dans la cave devant Sylvain et Léon particulièrement intrigués.
Soigneusement, il prit la feuille de journal qui se trouvait sous la main droite du mort, puis la passa lentement sur la bougie fumante en prenant garde de ne pas y mettre le feu.
« Mais. Que faites-vous ? Vous voulez nous faire brûler ? ».
Puppa le regarda en souriant.
Il éteignit la bougie et demanda.
« Vous vous appelez, Léon ? »
 -Oui !
- Et les deux dames qui se trouvent en haut. Lydie et Chloé !
- Oui ! 
Alors, Ernest Puppa sortit de sa poche son insigne de police et déclama.
« Vous êtes en état d’arrestation… » 

L'épilogue :

Ernest descendait la rue du commerce en compagnie de son côté de son collègue Purbon. Il gardait les mains dans ses poches et son écharpe était entourée à triple tour autour de sa gorge.
Il faisait froid !

Chacune de ses paroles laissait d’ailleurs échapper un épais nuage de vapeur qui fluait sur le côté de sa bouche.

Purbon ne semblait pas vraiment affecté par la température polaire qui avait débarqué et figé, depuis quelques jours, notre joli pays de Gex.

Sans tourner la tête il affirma :

« Et bien Ernest ! T’as encore résolu une affaire peu commune. Trouvé le nom des assassins, écrit par la victime, sur la feuille de journal en se servant du jus de citron pour encre et de son doigt comme plume !
Il fallait le savoir !
Et, se servir de la chaleur et de la fumée d’une bougie pour faire apparaître l’écriture invisible...
J’me demande bien où tu vas chercher toutes ces idées !

-Ben ! Quand j’étais petit, j’écrivais des mots à l’encre secrète en la faisant réapparaître avec ce moyen que tu viens de décrire ! »

Purbon le regarda d’un air circonspect et admiratif.

Puppa le laissa prendre deux pas d’avance et sortit une main de sa poche.

Celle-ci tenait fermement entre ses doigts un gros citron qu’il avait gardé en souvenir de cette enquête.

Il le pointa touchant le dos de Purbon et s’exclama en rigolant :

 « Pas un Zeste ! »




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Pas un zeste