La jolie dame

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La jolie dame


Comment ai-je pu passer à côté d’elle.
Cette femme, allures de mon éternel.


Les années ont passé, vite, trop vite.
Avec ces jours qui gomment les souvenirs.
Avec toutes ces pensées qui alors m’animaient et m’avaient fait la dénommer « la jolie dame. ».
Jamais, au grand jamais, je n’aurai pensé un jour me retrouver en face d’elle.
Pourtant.
Elle était là.
Nous nous tenions l’un en face de l’autre dans ce restaurant sans âme.
Et j’étais heureux, vraiment ravi de ces retrouvailles, de cette deuxième opportunité.


Rendez-vous compte, douze ans, sans nouvelles, sans réelles souvenances, sans carences.
Avec cette impression envolée d’elle, celle, peut-être, d’une entité fantomatique qui avait traversé ma vie.
Un croisement sans suite, sans avenir…
Enfin je le croyais, car maintenant, en la regardant, en sondant ses pensées tout en l’écoutant,
je ressentais la terrible impression de mon erreur.
Celle d’être passé à côté de quelqu’un d’important, de peut-être cruciale pour ma vie.
En fait…
Depuis quelques mois, une succession de coïncidences m’avaient rappelé son existence.
Ce rendez-vous situé à deux rues de l’endroit où elle travaillait.
Cette promenade improbable dans le lieu exact qui m’emmenait jadis, à son lieu de travail.
Ce film étrange, regardé par hasard et qui m’avait passionné.
Cette amie dont l’activité était similaire à la sienne.
Puis.
Il y eut cette recherche sur internet et finalement, cette émission de radio où elle prononça
son nom.
Par chance, elle avait récemment rejoint face-book.
Alors ce fut.
Une demande d’amie.
Et son acceptation presque immédiate avec un petit mot très sympathique.
Oui, elle se rappelait de moi…
Parfaitement, elle était heureuse de mon souvenir.
Mais pourquoi toutes ses années sans nouvelles, qu’avait-il bien pu nous arriver.
Ma réponse à son commentaire avait été très courte, une simple description rapide de mon cheminement.
Et peut-être trop vite, cette demande de diner en tête à tête.
A l’heure de midi.
C’était mieux peut-être.
Elle accepta par retour et le lieu, la date furent fixés d’un commun accord.
Comme à l’habitude j’étais à l’heure, me disant qu’elle se ferait certainement attendre.
Pourtant.


Elle était là à profiter des rayons blafards d’un soleil d’hiver.
C’était elle, sans aucun doute, la même jolie dame, celle de mon lointain souvenir.
Elle me vit, elle sourit.
Je m’étais apprêté à lui faire une bise guindée, du genre que l’on fait à celles que l’on connait
un peu, celles qui n’ont pas d’importance.
Elle me prit dans ses bras et ses embrassades furent chaleureuses, je dirai même tactiles et ceci
m’incita à oser une main sur sa hanche.
Et soudain, toutes ces réminiscences si profondément enfouies exultèrent du néant.
Toutes ces années avaient passé et pourtant rien n’avait vraiment changé.


Notre personnalité, notre vie étaient restées les mêmes.
On avait repris notre conversation comme si elle ne s’était jamais arrêtée.
« Cet homme avec qui je vis ! Oui, me dit-elle, toujours le même. Je vais le quitter… ».
Puis elle me rappela tout ce que je lui avais raconté, des détails que j’avais moi-même presque oubliés.
Et oui, pour moi aussi, tout était resté pareil, fourvoiement dans les mêmes erreurs, dans les mêmes peines et peut-être les mêmes bonheurs.
Elle n’avait physiquement pas vraiment changé. Bien entendu nos grands âges avaient fourni leurs linceuls de cicatrices. Mais, elle avait la même voix, une voix sublime, enchanteresse, qui avait bercée mes oreilles, embrumée mes nuits, subjuguée tout mon être.
Elle avait toujours ses cheveux jetés agréablement dans le vent, ce regard baigné d’intelligence. Regard de douceur de calme limpide.
Je me souvins m’y être perdu, égaré. C’est eux qui avaient noyé mes souffrances, décimé ma tristesse, évanescence de ce qu’il y avait de plus profond.
Ma douce !
Ange de mon passé !
Ma main effleura la sienne, entrecroisant ses doigts fins, rappel de l’amour qui nous avait unis jadis, soudé l’un à l’autre.
Il fut rapidement temps de nous séparer, une dernière embrassade, un bras d’aurevoir à travers la vitre de sa voiture grande ouverte et se dernier filin d’amitié et de souvenir s’effaça à nouveau.
Bien entendu, on devait se revoir, ne plus laisser ce fossé béant entre nous.
Mais il était trop tard.
La vie l’a appelée ailleurs, vers d’autres souvenirs à construire, vers un futur qu’elle espérait radieux ou du moins à son goût.
Le temps nous écrase, notre vie nous submerge.
Mais, j’en suis certain, cette rencontre ne restera pas anodine, elle laissera en moi, pour toujours, la survivance de cette jolie dame



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